La Fed joint le geste à la parole

Les marchés

La banque centrale américaine joint le geste à la parole. Elle a décidé d'accélérer la réduction de ses achats nets d’actifs à partir de janvier, en passant d'un rythme mensuel de 15 milliards de dollars à 30 milliards de dollars. Les achats devraient ainsi avoir pris fin en mars de l’année prochaine, au lieu de juin. Si les gouverneurs de la Fed étaient encore partagés en septembre sur la nécessité d’une première hausse des taux en 2022, ils tablent désormais quasiment tous sur trois relèvements de 25 points de base.

La déclaration de politique est nettement plus courte qu’en novembre. La Fed ajuste son discours sur l’inflation. Symboliquement, le terme "temporaire" a disparu. La nouvelle déclaration constitue une synthèse des commentaires donnés par plusieurs gouverneurs de la Fed ces derniers mois. La poussée inflationniste n’est pas de nature temporaire et les risques de hausse de l'inflation priment sur les risques de baisse de la croissance. Les nouvelles prévisions tablent sur une inflation de 5,3 % cette année (contre 4,2 % en septembre), 2,6 % l'année prochaine (contre 2,2 %), 2,3 % en 2023 (contre 2,2 %) et 2,1 % en 2024 (prévision inchangée). La Fed s’attend donc toujours à ce que l’inflation reste supérieure à l’objectif symétrique pendant l’horizon de politique, malgré un taux directeur attendu de 2 %-2,25 % en fin 2024 (contre 1,75 % en septembre). La Fed n’accorde pour le moment pas beaucoup d’importance à la menace du variant omicron. La dynamique de croissance a un peu évolué par rapport à septembre, mais la situation reste globalement la même : croissance du PIB de 5,5 % cette année, 4 % l’année prochaine, 2,2 % en 2023 et 2 % en 2024. Le taux de chômage se contractera plus rapidement que prévu, à 3,5 % en fin 2022 (contre un taux de 3,8 % prévu en septembre).

Dans un premier temps, le cours EUR/USD a testé ses points bas du mois, autour de 1,125. Et le taux à 2 ans américain a atteint son plafond cyclique, aux alentours de 0,70 %. Les deux mouvements se sont rapidement essoufflés et se sont même inversés par la suite. Pour commencer, les décisions prises à la réunion de la Fed confirment surtout le virage opéré par Powell et ses collègues le mois passé. En outre, la Fed s'en tient pour l’instant à un cycle monétaire relativement traditionnel : 3 relèvements de taux en 2022, 3 en 2023 et 2 en 2024. La banque aurait pu se montrer plus agressive et décider de terminer le "sale travail" plus vite en avançant le centre de gravité des relèvements de taux. Une autre piste que la Fed a choisi de ne pas (encore) suivre est celle d’une politique monétaire explicitement restrictive. Le taux directeur restera inférieur au "taux neutre" attendu (2,5 %) tout au long de l’horizon de politique. Le taux neutre correspond au taux directeur d’équilibre dans des conditions économiques idéales : croissance tendancielle, inflation de 2 % et plein emploi. En termes réels, le taux directeur attendu s’élèvera à maximum 0 % en 2024. Pour l’instant, seuls cinq membres de la Fed se montrent disposés à relever le taux directeur au-delà de 2,5 % en 2024. Dans les semaines/mois à venir, la popularité de ces deux pistes (centre de gravité avancé, pic du taux directeur plus élevé) déterminera si les taux américains et le dollar pourront reprendre de l'élan.

Si le cours EUR/USD maintient sa tendance baissière à court terme, cela sera surtout dû à un affaiblissement de l’euro. Le cap monétaire que la patronne de la BCE fixera cet après-midi pour 2022 sera déterminant. Si Lagarde décide enfin d'offrir un soutien à la monnaie unique, le cours EUR/USD pourrait alors voir la lumière au bout du tunnel. Le premier seuil technique est un retour à 1,14.

Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC

EUR/USD : le rallye du dollar s'essouffle, mais l’euro va-t-il enfin pouvoir compter sur le soutien de la BCE ?

Bron: Bloomberg

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