Surprise de la banque centrale polonaise (bis)
Hier, la banque centrale polonaise a, contre toute attente, laissé son taux directeur inchangé, à 5,75 %. Le marché s'attendait à une deuxième baisse consécutive de 25 points de base. Ainsi se termine, après à peine deux mois, le cycle baissier des taux, qui avait débuté de manière tout aussi inattendue en septembre, avec une réduction de 75 points de base. Le président de la NBP, Adam Glapinski, donnera plus de détails cet après-midi, mais sur la base de la déclaration de politique d’hier, la banque centrale pourrait maintenir le statu quo jusqu’à la prochaine mise à jour des prévisions de croissance et d’inflation, qui aura en principe lieu en février de l’année prochaine.
Hier, Glapinski et ses collègues ont abaissé leurs anticipations d'inflation pour cette année (11,4 % contre 11,9 % en juillet) et l’année prochaine (4,7 % contre 5,2 %). Pour 2025, la NBP prévoit désormais une inflation moyenne de 3,6 % (contre 3,8 %). L’inflation restera ainsi supérieure à l’objectif de 2,5 % (marge de tolérance de 1 % comprise) à la fin de l’horizon de politique. C’est l’une des raisons pour lesquelles la NBP estime que l’assouplissement de 100 pb déjà mis en œuvre devrait provisoirement suffire. À court terme, la banque centrale se montre un peu plus pessimiste vis-à-vis de la croissance (de 0,7 % à 0,3 % pour cette année). En revanche, elle a revu à la hausse ses prévisions pour l’année prochaine (2,9 %, contre 2 %) et 2025 (3,6 %, contre 3,1 %).
La deuxième raison de cette pause est politique. Officiellement, la NBP évoque les incertitudes par rapport à la politique budgétaire qui sera menée par le nouveau gouvernement, actuellement mis sur pied par l’ancien chef de l’opposition, Donald Tusk. Les décisions du régulateur de l’énergie concernant la prolongation ou non du gel des prix de l’électricité et du gaz auront également un impact sur l’évolution attendue de l’inflation. En outre, ce n'est un secret pour personne que le changement de pouvoir en Pologne pourrait entraîner des dissensions entre la banque centrale, dont beaucoup de membres, nommés politiquement, sont des fidèles de l'ancien parti au pouvoir (le PiS) et les nouveaux dirigeants. L’abaissement de taux de 75 points de base de septembre avait probablement pour objectif de donner un coup de pouce électoral au PiS, mais cette décision est revenue telle un boomerang via une forte dépréciation du zloty. Aujourd’hui, la banque centrale admet à demi-mot qu’elle a peut-être un peu trop anticipé la baisse de l’inflation.
Hier, les taux swap polonais ont pris jusqu'à 16 points de base sur la partie courte de la courbe, le marché ayant été un peu trop vite en besogne dans ses anticipations de baisses de taux. Les taux du marché monétaire suggèrent que le taux directeur polonais avoisinera toujours 5 % à la fin de l’année prochaine, contre 4,5 % avant la décision d’hier. Le zloty polonais a gagné un peu de terrain depuis hier. Le cours EUR/PLN s’est replié en direction de 4,43, mais reste au-dessus de la très solide zone de support de 4,40.
Les actions de la banque polonaise (et de la banque centrale tchèque la semaine dernière) peuvent nous donner des enseignements pour la BCE. Les institutions d’Europe centrale ont entamé leur cycle de resserrement environ un an avant la BCE. Chez la plus orthodoxe (la CNB), le taux directeur sera resté au moins 18 (!) mois à son pic. Le compteur de la BCE est à 2 mois. Les récentes anticipations du marché faisant état d'une baisse du taux directeur au deuxième trimestre de 2024 sont plus que prématurées. Si l'on se base sur l'expérience de la NBP, nous pouvons en conclure que la marge de manœuvre pour des baisses de taux demeure extrêmement limitée étant donné l’inflation (de base sous-jacente) toujours élevée et tenace.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC