Les ‘Magnificent 7’ rehaussent un T3 médiocre
Une nouvelle fois, une armée de comptables a converti un trimestre de dur labeur en une multitude de données financières. Les États-Unis et l’Europe ne sont pas égaux face à la grand-messe des chiffres du troisième trimestre: ce serait la fin de la récession bénéficiaire outre-Atlantique, tandis que les entreprises européennes devraient encore rester dans les limbes pendant au moins deux trimestres. La question clé est de savoir dans quelle mesure la hausse des taux d’intérêt et l’inflation persistante pèsent sur les marges, les commandes et les perspectives.
Le moteur européen toujours en rade
Les bénéfices des entreprises du STOXX 600 auraient reculé de 10,4% au cours du trimestre écoulé, avec une baisse moyenne de 5,6% du chiffre d’affaires. L’on observe une pression généralisée sur les marges. Seuls trois secteurs sur dix devrait encore augmenter leurs bénéfices: le secteur financier (+20%), le secteur technologique (+3%) et les biens de consommation (+7%). Les bénéfices des producteurs de matières premières pourraient diminuer de moitié, avec une contraction de 40% du secteur de l’énergie. La dissipation de la crise énergétique et la hausse marquée des taux se font sentir, tandis que les entreprises avec des réserves de liquidités importantes ne recueillent pas encore les fruits d’une rémunération en intérêts plus élevée. Les bénéfices européens devraient se contracter pendant deux autres trimestres (-2,2% et -5,9% en base annuelle), avant d’amorcer une reprise timide. Les bénéfices pour 2023 devraient flirter avec la récession, à 0,2%.
Les Mag-7 sauvent les États-Unis
Aux États-Unis, la saison des résultats bat son plein depuis une semaine. Les banques ont ouvert le bal, avec des chiffres quasi universellement supérieurs aux attentes. Jusqu’à présent, le bénéfice a agréablement surpris les observateurs dans 84% des cas, le chiffre effectif dépassant les estimations de 10,1%. Pour la première fois en quatre trimestres, la croissance bénéficiaire escomptée (+0,4%) en base annuelle du S&P500 est donc réalisable. La fin d’une année de récession bénéficiaire est en partie due au secteur bancaire, qui profite des taux plus élevés; mais l’économie peut surtout remercier les Magnificent 7. Ensemble, Microsoft, Tesla, Alphabet, Meta Platforms, Amazon, Apple et Nvidia représentent pas moins de 35,9% de croissance bénéficiaire en base annuelle au troisième trimestre! De son côté, le S&P500 affiche une croissance bénéficiaire totale de 2,2%, soit une contraction de 2,3% en excluant les ‘Mag-7’. Cet impact se prolongera sur 2024, car sans les Mag-7, la croissance bénéficiaire du S&P500 ne serait pas de 12,1%, mais de 10,7%. (Ce qui est heureusement plus réjouissant.)
Les estimations sont-elles fiables?
Est-ce vraiment la fin de la récession bénéficiaire? Tout dépend de la fiabilité des estimations bénéficiaires et de la mesure dans laquelle les entreprises maîtrisent la situation. Par exemple, nous avons récemment vu que les révisions à la baisse du début de l’année étaient encore trop optimistes. Parmi les facteurs défavorables, citons la réduction des stocks dans la chaîne de distribution, la pression baissière due à l’augmentation des frais de personnel ou des frais généraux, voire la concurrence des prix dans la grande bataille pour les parts de marché. C’est pourquoi il est préférable de ne pas accorder trop d’importance à cette saison des résultats. Les difficultés économiques et géopolitiques, associées aux risques bilantaires importants au niveau des entreprises et des pouvoirs publics, peuvent rapidement changer la donne et confronter à nouveau les marchés à une dure réalité.
Tom Simonts, Senior Financial Economist KBC Groupe