Quand l’événement de l’été devient un non-événement
Examen réussi vendredi dernier à Jackson Hole pour le président de la Fed et la présidente de la BCE. Sous l’œil vigilant du monde financier, ils ont une fois de plus joué les équilibristes entre la lutte contre l’inflation et les conséquences économiques des efforts fournis. Chapeau aux scénaristes qui ont bien annoncé la teneur de l’événement: contrairement à l’année dernière, les marchés étaient préparés à entendre des vérités qui dérangent. C’est ainsi que ce qui aurait pu être l’événement principal de cet été est finalement devenu un non-événement.
Dans l’ensemble, les ténors monétaires s’en sont tenus aux grandes lignes tracées en juillet. Powell a insisté sur le fait que la Fed ferait désormais preuve de ‘prudence’. Il n’a pas donné d’orientation définitive quant à la réunion de politique de septembre. La hausse de la croissance est devenu le risque d’inflation principal. Le marché évalue à 20% la probabilité d’un (dernier) relèvement des taux à 5,5%-5,75% en septembre; pour octobre/novembre, après le symposium, le pronostic est à présent de 50%. Cette semaine, l’agenda déborde de mises à jour économiques (notamment les payrolls vendredi) qui pourraient contribuer à orienter le débat. Nous maintenons notre point de vue selon lequel le marché sous-estime la probabilité d’un relèvement des taux. Jerome Powell a surtout répété le mantra des taux ‘plus élevés pendant plus longtemps’. Il a terminé son exposé sans ambages: ‘We will keep at it until the job is done.’ Pour l’instant, il évite soigneusement de s’engager dans le débat sur le taux neutre. Ce taux d’équilibre théorique, qui ne stimule ni ne freine l’économie, pourrait (devrait?) s’avérer supérieur aux 2,5% que la Fed postule depuis quelques années dans ses mises à jour trimestrielles. Une estimation plus élevée de ce taux signifierait que la politique monétaire est en fait moins restrictive qu’on ne le pense à l’heure actuelle.
De même, la présidente de la BCE Christine Lagarde a préservé le flou artistique sur la prochaine décision de politique. L’Europe a de moins bonnes cartes économiques dans sa manche, comme en attestent les piètres indicateurs de confiance PMI publiés la semaine dernière. D’un autre côté, la hausse de l’inflation des services lui laisse peu de marge de manœuvre. ‘Nous ne sommes pas encore à bout de l’inflation,’ a conclu Lagarde. Les chiffres de l’inflation pour le mois d’août à venir ce jeudi seront les dernières données importantes avant le 14 septembre. Le marché monétaire européen estime à présent à 40% la probabilité d’un relèvement des taux à 4%, soit un peu plus qu’avant Jackson Hole.
Vendredi soir, les taux américains à court terme ont grimpé jusqu’à 5 points de base. Ce matin, les taux d’intérêt européens et britanniques leur emboîtent le pas, effaçant ainsi la correction due aux PMI intervenue la semaine dernière. Le dollar pondéré des échanges commerciaux n’a tout juste pas testé le sommet de 104,70 atteint en mai. De ce fait, le cours EUR/USD tourne toujours autour de 1,08. Le premier niveau de support véritable se situe à 1,0634. Les bourses américaines ont terminé sur une note légèrement positive, mais la situation technique reste précaire, tant en Europe qu’aux États-Unis.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC