Une vérité difficile à entendre
Pour cette fois, la Banque d’Angleterre a évité la catastrophe de justesse. Les investisseurs étaient prêts à jeter les obligations d’État et autres actifs britanniques par la fenêtre, comme lorsqu’ils avaient mis le gouvernement Truss-Kwarteng à genoux en automne 2022. À présent, le relèvement des taux de 50 points de base opéré par la BoE ouvre la voie au rétablissement de la confiance. Mais le marché en exige davantage de Bailey et de ses collègues. Sinon, parlons plutôt d’un sursis.
Depuis quelques mois, la Banque d’Angleterre relève son taux directeur de 25 pb par réunion, à contrecœur. Cela fait longtemps que son modèle de politique prédit que les efforts consentis nuiront à la croissance et feront miraculeusement repasser l’inflation sous l’objectif de 2% en un rien de temps. Or la récession redoutée n’a pas (encore) eu lieu, tandis que l’inflation continue à battre les prévisions depuis quatre mois d’affilée. En outre, l’inflation de base sous-jacente s’est réveillée le mois dernier. Entre mars 2022 et mars 2023, l’aiguille de la boussole monétaire oscillait entre 6% en glissement annuel et 6,5%. Mais en mai, la pression sur les prix a dépassé les 7% en glissement annuel pour la première fois depuis 1992. Entre-temps, le marché du travail reste extrêmement serré et la spirale salaires-prix redoutée s’est réalisée. Dans ce contexte, la BoE a dû capituler et a relevé son taux directeur de 4,5% à 5%. Bien que la communication officielle n’ait pratiquement pas changé d’un iota (‘des taux plus élevés seront nécessaires si l’inflation s’avère plus tenace que prévu’), nous partons du principe que la BoE relèvera aussi les taux de 50 points de base en août, quelles que soient les prévisions du modèle dans sa nouvelle mise à jour trimestrielle. Ne serait-ce que pour maintenir sa crédibilité… D’ailleurs, les taux du marché monétaire britannique escomptent déjà un pic du taux directeur de 6% (!) pour la fin de l’année.
Ailleurs dans le monde, la liste des capitulations ne cesse de s’allonger: redémarrage des taux de la RBA et de la BoC, relèvement des prévisions du pic de taux directeur de la Fed, accélération du cycle de la Norges Bank et de la BoE, revirement de la politique en Turquie… La vérité reste difficile à entendre: les taux resteront plus élevés pendant plus longtemps. Après la réunion de la BoE, les taux européens et américains ont promptement gagné jusqu’à 10 points de base sur la partie courte de la courbe. Les courbes des taux sont redevenues aussi inversées qu’avant la chute de la Silicon Valley Bank. D’ailleurs, sans cet épisode qui a ralenti le cycle, les taux directeurs à travers le monde en seraient probablement à 50 pb de plus qu’ils ne le sont actuellement. Les décideurs pourraient encore s’en mordre les doigts…
Ce matin, les indicateurs de confiance PMI décevants pour la France (plus d’informations lundi) illustrent bien que la partie économique n’est pas gagnée. Une partie du marché continue à croire ou à espérer, sans raison valable, que les banquiers centraux retrouveront les réflexes de soutien à la croissance qu’ils ont pu appliquer ces 15 dernières années si les choses se gâtent vraiment sur le plan économique. Pour notre part, nous maintenons que l’environnement inflationniste ne le leur permettra pas. Les avantages à long terme de la stabilisation des anticipations inflationnistes l’emporteront sur les inconvénients économiques (ralentissement de la demande) à court terme.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC