Redémarrage rapide de la RBA
Ce matin, la banque centrale australienne (RBA) a démontré les risques d’un arrêt prématuré de la normalisation de la politique. En avril, elle avait décidé de se donner le temps de voir venir, tant sur le plan des chiffres économiques qu’en ce qui concerne l’impact de la crise de la stabilité financière et des hausses de taux précédentes. Mais de nos jours, les marchés interprètent chaque pause comme un arrêt définitif: aux pauses succéderont bientôt les abaissements de taux, estiment-ils. Ils ont dû déchanter. Ce matin, les marchés australiens se sont fortement repositionnés après que la RBA a relevé son taux principal de 25 points de base, à 3,85%. Les taux swap australiens ont grimpé d’environ 20 points de base sur la partie courte de la courbe. Les taux du marché monétaire australien tablent à présent sur un dernier ‘ajustement’ du taux directeur de la RBA jusqu’à 4% cet été. Le dollar australien est remonté d’AUD/USD 0,66 à 0,67 et dispose ainsi temporairement d’un peu plus de marge de manœuvre dans le canal latéral du mois écoulé, situé grosso modo entre 0,66 et 0,68.
Le gouverneur Lowe et ses collègues jugent que l’inflation australienne a atteint son pic (7,8% en glissement annuel au T4 2022). Elle reste cependant trop élevée (7% en glissement annuel au T1 2023) et il faudra un certain temps avant de renouer avec l’objectif de 2-3%. Dans ses prévisions d’inflation, la RBA anticipe à présent 4,5% cette année (contre 4,75%) et 3% à la mi-2025. L’inflation des services très élevée et largement répandue et la hausse des coûts salariaux font perdre le sommeil à la RBA, comme à d’autres banques centrales. D’autant que le marché du travail australien reste très serré (taux de chômage de 3,5%). C’est pourquoi la RBA maintient que des taux un peu plus élevés pourront s’imposer à l’avenir, pour bannir l’inflation à long terme.
Pour l’instant, les risques associés à la croissance négative ne compensent pas les risques très présents de l’inflation. Pour les deux prochaines années, la RBA table sur une croissance respective de 1,25% et 2% du PIB, en deçà de la tendance historique. Elle est surtout attentive au consommateur australien. La combinaison de la hausse des taux d’intérêt, de la perte de pouvoir d’achat et de la baisse des prix de l’immobilier freine la consommation. Ajoutons à cela que les réserves d’épargne constituées pendant la crise de la Covid ont été utilisées entre-temps. Pour l’instant, le consommateur moyen s’appuie sur la vigueur du marché du travail.
L’histoire de l’Australie réserve des leçons à la BCE et aux marchés au sens large. Pour la BCE et les autres pays/zones avec un taux directeur encore relativement bas, c’est un signe que ces niveaux ne freinent pas encore ou pas assez la croissance et l’inflation. Et pour les marchés, le redémarrage de la RBA peut servir de rappel qu’une pause dans les relèvements du taux directeur peut effectivement n’être qu’une pause, et que des abaissements ne suivront pas par défaut.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC