Une illumination avec des conséquences techniques
Aujourd’hui, nous poursuivons sur la voie empruntée mercredi. Les bons chiffres des ventes de détail américaines et les allocutions des gouverneurs Mester et Bullard apportent de l’eau à notre moulin. Les deux membres de la Fed en ont déjà assez vu et sont partisans d’un relèvement des taux de 50 points de base le 22 mars. Ils rejoignent ainsi la minorité qui voulait maintenir le rythme de 50 points de base en février, au lieu de le ramener à 25 points de base. Mercredi prochain, le procès-verbal de cette réunion de la Fed sera publié et trahira certainement plus de divisions que la décision unanime n’en laissait voir.
Durs à la détente, les marchés des taux (américains) mettent toujours toutes voiles dehors. Le ‘tail risk’ en mars (+50 points de base), un pic du taux directeur plus élevé et une période prolongée de hausse des taux d’intérêt sont des points communément acceptés. Cette illumination arrive à un stade critique, les principaux segments de marché (les taux/les bourses/le dollar) se situant à des niveaux techniques clés. Si glissement fondamental il y a, ce sera au niveau du prix. Que dit l’analyse technique en complément au nouveau scénario du marché? Passons en revue les conséquences possibles.
Le taux américain à 2 ans a franchi le dernier seuil de résistance (4,5%) avant un retour au sommet de 2022 (4,8%) la semaine dernière, après la publication des taux d’inflation. Des niveaux supérieurs à 5% suivront. Cette semaine, le taux américain à 5 ans a franchi le seuil de résistance de 4,04% et a atteint son sommet de 4,5% de 2022. Enfin, le taux américain à 10 ans teste le niveau de résistance de 3,9%. Après la rupture (attendue) à la hausse, la prochaine étape sera 4,33%. Les taux européens suivent la tendance haussière. La course de rattrapage de la BCE durera également plus longtemps et se poursuivra dans un contexte de résilience économique, d’un marché du travail solide et d’inflation difficile à dompter. Le taux swap européen à 2 ans se trouve déjà dans une zone inexploitée au-dessus de 3,5% (datant de 2008). Le taux swap de l’UE à 5 ans n’est plus qu’à quelques points de base du sommet de 2022 (3,28%). Cette semaine, le taux swap à 10 ans a de nouveau franchi le cap psychologique de 3%. La faiblesse du niveau de résistance de 3,2% n’empêchera pas un retour à 3,4%. Mention spéciale pour le taux allemand à 10 ans, qui teste aujourd’hui le sommet de 2,55% de 2022. Dans une perspective à plus long terme, il s’agit d’un rétablissement de 62% sur la baisse des taux d’intérêt de 2008 à 2020. Une rupture serait très pertinente d’un point de vue technique et ouvrirait d’un coup des perspectives à 3%(+).
Le dollar bénéficie de son avantage de taux retrouvé. Le billet vert pondéré des échanges commerciaux (DXY: 104,50) s’échappe du canal baissier où il languissait depuis novembre. Le cours EUR/USD (1,0650) s’affaisse à travers un canal haussier similaire. Une rupture ouvrirait la voie à un cours à 1,0484/1,0461 (creux de janvier/reprise de 38% par rapport à la hausse de fin septembre à début février). Mais il ne sera sans doute question d’une véritable accélération du dollar que quand le dernier domino sera tombé: la bourse. Les marchés des actions ont connu un début d’année vigoureux. Hier, l’indice français CAC 40 a par exemple atteint un nouveau record absolu. L’économie mondiale a échappé à la plupart des scénarios catastrophes et inspire confiance. Si les banquiers centraux franchissent encore un cap supplémentaire au premier semestre, nous devrions atteindre le point de rupture. Nous envisageons un parallèle avec les neuf premiers mois de 2022.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC