Les marchés sont pris à contrepied
Ce matin, la banque centrale australienne (RBA) a relevé son taux directeur de 25 points de base à 3,35 %. Il s’agit de la neuvième hausse consécutive depuis le début du cycle de normalisation/resserrement en mai de l’année dernière. La décision n'a en soi rien de vraiment surprenant, mais la déclaration qui l'accompagne l'est davantage.
La RBA a changé son fusil d’épaule depuis novembre. Tiraillée entre la croissance et l'inflation, la banque centrale affirme que d'autres relèvements de taux seront vraisemblablement nécessaires, mais que ceux-ci ne suivront pas nécessairement un schéma bien précis. Tout dépendra plutôt des données, compte tenu des efforts déjà déployés et de leur impact sur l'économie. Le gouverneur Lowe et ses collègues ont ainsi été parmi les premiers à indiquer qu’ils allaient progressivement se diriger vers un plafond.
Deux réunions et autant de relèvements plus tard, la RBA doit faire machine arrière. La croissance va certes ralentir en Australie, mais elle est en fin de compte restée très forte en 2022. Le marché de l’emploi est extrêmement tendu et le spectre d’une spirale salaires-prix se fait de plus en plus pressant. L’inflation a peut-être atteint son pic, mais il faudra attendre le milieu de l'année 2025 pour qu'elle renoue avec la limite supérieure de l’objectif de 2 %-3 %. En outre, les pressions inflationnistes sous-jacentes sont plus fortes que prévu.
Dans ce contexte, la RBA affirme pour la première fois ouvertement que le coût marginal d'un resserrement monétaire un peu trop important ne contrebalance pas celui d'un relâchement trop rapide des rênes. Faire une pause pour devoir ensuite redoubler d'efforts est exclu. En outre, la ligne pour les prochaines réunions a été modifiée, avec le retour d'un schéma fixe : plusieurs relèvements suivront afin de s'assurer que l'inflation retombe vers son objectif.
Les taux de swap australiens ont gagné jusqu'à 15 points de base sur une échéance de 2 ans. Dans l’intervalle, les taux du marché monétaire situent le pic attendu du taux directeur à près de 4 %. Ce matin, le dollar australien a regagné du terrain sur le solide billet vert américain. Le cours AUD/USD se dirige vers 0,6940. La semaine dernière, la paire de devises n’est pas parvenue à franchir le niveau de résistance technique de 0,7137. Nous croyons en une reprise du dollar plus généralisée, ce qui compliquera un retour à ces niveaux malgré le mouvement de ce matin.
De manière plus large, le revirement de la RBA, combiné à la réaction post-payrolls, renforce notre scénario selon lequel les marchés des taux sous-estiment fortement la fonction de réaction des banquiers centraux depuis quelques mois. Ils reviendront sur cela. Hier, le président de la Fed d’Atlanta, Raphael W. Bostic, a été le premier à se prononcer sur un possible pic du taux directeur plus élevé que celui qui était prévu en décembre en raison de la résilience de l’économie américaine (5,25-5,5 % au lieu de 5-5,25 %). Vendredi et lundi, le taux américain à 2 ans a grimpé de 40 points de base au total. Ce soir, le président de la Fed, Jerome Powell, aura l’opportunité de rectifier son intervention hésitante de la semaine passée et de donner son interprétation des derniers chiffres. Les marchés avaient alors accordé une importance disproportionnée à certaines nuances (désinflation, conditions financières). À Powell de les remettre sur le droit chemin. Le momentum du marché renoue avec des taux d’intérêt plus élevés, des bourses plus faibles et un dollar plus fort.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC