Le dollar retient son souffle
La situation reste compliquée sur les marchés. Comme en août, le marché caresse à nouveau l'idée que les banques centrales, Fed en tête, commencent peut-être à s’approcher du point où elles vont (pouvoir) accorder moins de priorité à l'inflation afin d’éviter que la croissance ne s'enfonce trop. Depuis octobre, nous avons assisté à une nouvelle forte correction des tendances haussières des taux (réels), des pressions sur les actifs à risque et un dollar quasi intouchable. Ce dernier s'approche (teste) actuellement plusieurs niveaux techniques importants. Nous examinons cela de plus près dans ce qui suit.
Tout d'abord, les faits (techniques). L'indice DXY pondéré par les échanges commerciaux est passé sous la zone de 105,3/105 (plancher récent, 38 % correction hausse 2021/22). Le feu est au rouge ! Le cours EUR/USD a reconquis la zone de 1,02 (plafond CT, 23,6 % fib, reprise 2021/2022) et le plus haut du mois d'août de 1,0368. 1.0611 constitue la prochaine zone cruciale (38,2% fib 2021/22). Un feu au moins à l’orange. Le plongeon de la paire USD/JPY a été tout aussi spectaculaire. Fin octobre, la question était encore de savoir comment le Japon pourrait enrayer la chute libre du yen au-dessus de USD/JPY 150. Code orange. On peut accorder plus ou moins de poids à l'analyse technique. Dans un cas comme dans l'autre, celle-ci fournit un cadre pour surveiller le sentiment/positionnement de marché dominant (les stop/loss par exemple). La correction du dollar s'explique en partie par le plafonnement/la correction des taux d'intérêt (réels) américains. Les taux d'intérêt sont également en baisse ailleurs qu’en Amérique, mais la Fed se trouve à un stade plus avancé. Au vu de la conjoncture relativement solide outre-Atlantique, c’est elle qui dispose aussi de la plus grande marge de manœuvre pour combattre l'inflation. Face au recul des anticipations en matière de taux (même si la Fed a indiqué qu’elle allait poursuivre son resserrement), une correction n'a rien d’illogique. La question est de savoir si les autres banques centrales (BCE, BoE, RBA, BoC...) feront preuve de plus de détermination que la Fed dans leur combat contre l’inflation. Leur communication ne le montre pas. Il convient également de se demander comment les actifs à risque réagiront à un affaiblissement de la croissance et une inflation toujours largement supérieure à ce à quoi nous nous étions habitués lors des précédentes périodes de ralentissement économique. Dans le passé, un tel contexte d’incertitude a toujours joué en faveur du dollar. À cet égard, nous sommes curieux de voir comment le marché des changes réagira si la baisse des taux d'intérêt ne s’accompagne plus, du moins pendant un temps, d’une reprise sur les marchés boursiers. Cela pourrait remettre le rôle du dollar comme valeur refuge au centre des préoccupations et confirmer notre point de vue selon lequel le marché des taux (américain) s’est déjà largement écarté de la trajectoire de taux de la Fed.
Au jour le jour, c'est le sentiment de marché dominant qui prévaut. Il est peu probable qu'un renversement de tendance se produise du jour au lendemain. Le rapport sur le marché du travail américain (payrolls), qui sera publié tout à l’heure, constitue le prochain point de référence. Il est loin d'être certain qu'il puisse arrêter la correction du dollar dès maintenant. Les indicateurs récents font en effet état d’un essoufflement du marché du travail. Les analystes s'attendent à un ralentissement de la croissance de l'emploi en novembre, de 261 000 à 200 000. Le rapport ADP publié en début de semaine (127 000) pointe des risques de baisse, bien que nous ne soyons pas encore au niveau de 100 000, que le président de la Fed, Jerome Powell, a récemment avancé comme le niveau susceptible d'apporter plus d'équilibre sur un marché du travail en tension. Outre la croissance de l'emploi, nous serons aussi attentifs, en gardant à l'esprit l'analyse livrée par Powell mercredi, à la croissance des salaires (attendue à 0,3 % en glissement mensuel et 4,6 % en glissement annuel). En cas de rapport décevant, le niveau de EUR/USD 1,0611/15 pourrait tout à fait être testé. Cela ne change pour le moment rien à notre opinion selon laquelle la correction, tant des taux d'intérêt que du dollar, est allée assez loin.