To peak or not to peak?
À la veille de la publication du taux d’inflation mensuel, Christine Lagarde a déclaré qu’elle serait étonnée si l’inflation avait atteint son pic en octobre. Deux jours plus tard, la présidente de la BCE risque d’entrer dans l’histoire comme le contre-indicateur principal dans le cadre du premier choc inflationniste auquel la banque centrale est confrontée depuis sa fondation en 1999. Du moins, à en croire la réaction du marché…
Les premières données nationales du taux d’inflation pour le mois de novembre présentent toutes le même tableau. Tant en Espagne qu’en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas, l’inflation a diminué/s’est stabilisée sur une base mensuelle, entraînant souvent une forte baisse de la comparaison en glissement annuel. La France fait exception à la règle. Cette dynamique est principalement due à la baisse des prix de l’énergie et des services d’utilité publique. Contrairement à Lagarde, le marché estime que le pic d’inflation est derrière nous. Il en est venu à la même conclusion pour les États-Unis, ce qui a entraîné une forte correction des taux le mois dernier. Hier, les taux européens ont perdu entre 9 et 7 points de base, tandis que le coefficient d’inversion des courbes des taux s’est réduit. Si l’on se fonde sur les taux du marché monétaire européen, l’issue de la dernière réunion de politique de la BCE de l’année (le 15/12) ne fait plus de doute. Tout comme aux États-Unis, le marché mise sur un relèvement des taux de 50 points de base au lieu des +75 points de base précédents. Cela porte le taux d’intérêt de la facilité de dépôt européen à un niveau neutre de 2%. Ce ralentissement intervient malgré les révisions à la hausse des prévisions d’inflation. En effet, le taux d’inflation européen pour les mois de septembre et octobre était bien supérieur aux attentes et le refroidissement de novembre ne compense pas cet effet.
Pour l’instant, nous accordons encore le bénéfice du doute à Lagarde. En ce qui concerne l’inflation générale, elle craint surtout que l’offre d’énergie limitée n’aggrave la volatilité et la hausse des prix de l’énergie pendant l’hiver. Fondamentalement, la présidente de la BCE a tout à fait raison. L’inflation de base sous-jacente atteint de nouveaux sommets dans tous les pays européens. Pour la Belgique, nous en sommes par exemple à plus de 7% en glissement annuel, contre 6,5%. De Guindos, le vice-président de la BCE, a récemment déclaré que l’inflation de base était la boussole de la BCE. Tant que celle-ci continue à augmenter et/ou reste élevée, il n’y a pas à douter des intentions de politique de la BCE. Cette hausse de l’inflation de base est l’une des raisons pour lesquelles l’inflation générale en Europe restera encore très élevée l’année prochaine, et supérieure au taux directeur.
Quoi qu’il en soit, la BCE aborde 2023 fortement encline à mettre en œuvre une politique monétaire restrictive afin de ralentir la demande économique et donc l’inflation. Les hausses de taux vont de pair avec une réduction progressive du portefeuille obligataire (extraction de liquidités). Nous maintenons que les attentes du marché vis-à-vis des taux directeurs futurs de la BCE sont trop conservatrices. Pour 2023, le marché table sur 50 points de base supplémentaires en février, suivis au maximum de deux relèvements des taux de 25 points de base, ce qui porterait le pic du taux directeur à 2,75%-3%. Mais nous pensons que la BCE vise au moins un taux directeur réel neutre. Avec une inflation de 3%+ fin 2023, cela se traduirait par davantage de relèvements de taux.
Sur le marché des changes, l’euro résiste bien malgré la perte relative sur le plan des taux d’intérêt. Le cours EUR/USD se maintient autour de 1,0350. Dans notre scénario de base, selon lequel les marchés des taux mondiaux repartiront à la hausse début 2023, le dollar retrouvera néanmoins son avantage à court terme. Vu la résilience de l’euro, le plancher de l’année autour de EUR/USD 0,95 est probablement trop ambitieux. Nous nous dirigeons plutôt vers la parité.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC