Baisse de régime
Vendredi, la paire de devises EUR/USD a clôturé exactement au même cours qu’au début de la semaine: à 1,0325. Pendant la semaine, elle s’est longtemps maintenue au-dessus de la zone de résistance de 1,0341/50/68. Le mouvement de rattrapage de 50% sur la baisse du cours EUR/USD de février à septembre (1,0516) est toutefois resté hors de portée. D’un point de vue technique, la clôture au-dessous de la zone de 1,0350 marque un tournant à court terme. D’un point de vue fondamental aussi, la reprise du cours EUR/USD a perdu de son élan.
Plus tôt ce mois-ci, la chute accélérée EUR/USD qui se poursuit depuis le début de l’année s’est interrompue. En un rien de temps, l’euro est passé d’un niveau inférieur à la parité à un cours autour de/supérieur à 1,03. Cette évolution est principalement due à une correction des tendances dominantes du marché pour cette année. Les taux d’intérêt se sont repliés, les bourses ont repris et le dollar est retombé sur terre. La réunion de la Fed et la légère baisse du taux d’inflation américain en octobre ont enclenché cette réaction, les marchés estimant que les relèvements de taux à venir seraient “plus lents et plus rares” plutôt que “plus rapides et plus fréquents”. La Fed a souligné qu’ils seraient “plus lents, mais plus élevés et plus durables”. Il a fallu du temps aux marchés pour que le bon sens prenne le pas sur la réaction instinctive, le néocortex sur l’hypothalamus. Le pic attendu du taux directeur de la Fed est subitement passé sous la barre des 5%, en contradiction totale avec les déclarations de Powell et de ses collègues. Après tout, même un ralentissement à 50 points de base le mois prochain porterait le taux directeur à 4,5%. En outre, les marchés monétaires américains ont à nouveau l’espoir d’abaissements de taux avant fin 2023, une possibilité que les membres de la Fed rejettent catégoriquement.
Après la correction rapide du dollar ce mois-ci, l’on constate néanmoins que l’euro n’est pas encore en position de reprendre le contrôle. Le temps clément en octobre et en novembre a fait reculer le spectre de la crise énergétique, les chiffres économiques ne reculent pas aussi vite qu’on le craignait et la guerre russe en Ukraine semble entrer dans une autre dynamique. Cependant, le missile tombé en territoire polonais la semaine dernière montre à quel point la situation reste précaire et qu’il serait dès lors dangereux de se laisser bercer par un faux sentiment de sécurité, vis-à-vis de l’Europe comme de l’euro.
Ce matin, le sentiment du marché à l’égard de la Chine s’est inversé, car il s’avère trop tôt pour se réjouir d’un assouplissement éventuel de la politique zéro Covid. L’aversion au risque va de pair avec un dollar plus fort. Le cours EUR/USD cote à nouveau sous la barre de 1,0250. Cette semaine, les conditions de marché favoriseront également une approche prudente: aux États-Unis, il n’y a pas de chiffres importants en vue et la semaine sera courte en raison de Thanksgiving et Black Friday. De l’autre côté de l’Atlantique, l’on se rapproche des indicateurs de confiance PMI pour le mois de novembre. Le marché s’attend à une baisse plus marquée de l’activité dans l’industrie manufacturière et des services. Les risques sont baissiers. Vu les problèmes économiques en Europe, le rythme des relèvements de taux de la BCE pourrait rester synchronisé avec celui de la Fed (à savoir, un ralentissement à +50 points de base en décembre). Dans ce contexte, une véritable remontée de l’euro interviendrait au plus tôt l’année prochaine.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC