La Fed: vers un (dernier?) relèvement à 75 points de base
Hier, la banque centrale australienne (Reserve Bank of Australia, RBA) a relevé son taux directeur de 25 points de base, à 2,85%. Ce n’est pas grand-chose selon les normes internationales, mais c’est déjà le deuxième relèvement des taux “régulier” consécutif. De juin à septembre, la RBA y avait été autrement plus fort, avec des relèvements systématiques de 50 points de base.
En septembre, l’inflation australienne s’élevait à 7,3% en glissement annuel. Elle devrait atteindre environ 8% plus tard dans l’année. La RBA vise 2-3%, un objectif qu’elle n’atteindra même pas à la fin de son horizon de politique (>3% en 2024). Si on ajoute à cela la pénurie sur le marché du travail et la croissance économique robuste (notamment grâce à l’essor des exportations), à première vue, rien ne l’oblige à ralentir le cycle des taux. D’un autre côté, la RBA estime que grâce aux actions vigoureuses qu’elle a menées ces derniers mois, elle a déjà considérablement changé la donne, même si l’effet n’est pas encore clairement visible. Et maintenant que les banques centrales se livrent à des resserrements synchronisés, de lourdes incertitudes pèsent sur les perspectives de la croissance mondiale. C’est pourquoi la banque centrale opte pour une approche un peu plus prudente. Attention cependant: le cycle n’est pas encore terminé. En attendant, les marchés monétaires australiens tablent sur de nouveaux relèvements des taux de 25 points de base, à environ 4% – bien qu’il reste à voir si chacune des réunions à venir y contribuera.
De l’Australie, nous nous tournons logiquement vers la Fed, qui prendra sa décision de politique ce soir. Il ne fait guère de doute que Washington opte pour un quatrième relèvement des taux consécutif de 75 points de base, vers 3,75-4%. Après ce soir, le compteur du resserrement chiffrera 375 points de base après huit mois seulement. Il y a quelque temps déjà, nous avions laissé entendre que la Fed pourrait ralentir le tempo à partir de décembre. Nous maintenons cette prédiction. En effet, les prévisions de croissance et d’inflation actualisées créent une opportunité en ce sens. Et fin octobre, un article paru dans le Wall Street Journal – le porte-parole de la Fed – propose précisément ce scénario, ce qui renforce notre conviction. Nous nous attendons à ce que Powell en fasse mention lors de la séance de questions. Mais actuellement, le marché monétaire américain ne fait pas tout à fait une croix sur un dernier relèvement de 75 points de base en décembre. Quant à la suite en 2023, Powell fera probablement profil bas: “Nous laisserons parler les chiffres”. Les prévisions de taux de septembre indiquaient un taux directeur de 4,5-4,75% au début de l’année prochaine. Il est possible que la réunion de ce soir aboutisse à une simple confirmation de cette projection, qui demeure inférieure aux 5% que le marché anticipe. En principe, la réunion de politique pourrait donc créer une accalmie au niveau des taux (et du dollar).
La situation en Australie et bientôt aux États-Unis contraste fortement avec celle de la zone euro et du Royaume-Uni. La semaine dernière, la BCE a relevé son taux directeur de 75 points de base pour la deuxième fois consécutive. Certains y voient le signe annonciateur d’un ralentissement du cycle. Mais vu le taux d’inflation atteint lundi en Europe (10,7%!), nous sommes d’avis (rejoignant en cela certains gouverneurs) que c’est encore trop tôt. La Banque d’Angleterre se réunira demain. Elle optera sans doute pour un relèvement à 75 points de base, même si elle n’a pas encore de vision concrète de la politique budgétaire du gouvernement Sunak. Outre un signal clair adressé aux autorités, il s’agira de la deuxième accélération dans le cycle (après le passage de 25 points de base à 50 points de base depuis août).