Libération de réserves stratégiques de pétrole
Les prix du pétrole sont repartis à la baisse après avoir atteint leur niveau le plus élevé en trois ans en octobre. Parallèlement au rebond de la pandémie et au durcissement des mesures sanitaires dans certaines parties d’Europe, ce recul des prix est aussi dû à la libération (partielle) coordonnée par les États-Unis des Strategic Petroleum Reserves (SPR). Dans une tentative de contenir la flambée des prix des carburants, les États-Unis comptent puiser 50 millions de barils de pétrole brut de leurs réserves stratégiques. La Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud vont probablement leur emboîter le pas, mais dans des proportions bien moins élevées.
Nous pensons qu’une libération coordonnée des SPR n’aura qu’un impact limité sur les prix pétroliers. L’espoir du président Biden de voir cette décision « faire la différence » est probablement vain. La dernière libération coordonnée des réserves stratégiques en 2011 (à hauteur de 60 millions de barils en réaction à la perturbation de l’approvisionnement en Libye) n’avait pas eu d’effet significatif ou durable sur le cours de l'or noir. Les stocks libérés ne constituent pas une source d’approvisionnement durable et ne représentent qu’une fraction des stocks mondiaux.
Le gouvernement américain crée en revanche un précédent en puisant dans les SPR alors qu'il n'y a pas de signes manifestes de perturbations dans l’offre (ce qui va à l’encontre de l’objectif initial des SPR). Cette manœuvre doit donc être vue comme une réaction face à la pression de plus en plus grande exercée sur l'administration pour qu'elle « fasse quelque chose » en raison des fortes pressions inflationnistes qui pèsent sur l’économie américaine, plutôt que comme une réaction face à d'importantes pénuries sur le marché pétrolier.
Paradoxalement, cette libération des SPR pourrait (indirectement) entraîner une hausse des prix du pétrole pendant les mois d’hiver. L’alliance de l'OPEP+ se réunira le 2 décembre et la décision des États-Unis pourrait déboucher sur une politique de production encore plus prudente. Combiné à l’impact des incertitudes croissantes liées au Covid sur le côté demande de l’équation, cela ouvre la porte à un rythme de normalisation de la production plus faible (rythme mensuel de 400 000 barils par jour actuellement). Il est même possible que la réduction progressive des restrictions de production soit totalement interrompue. Au bout du compte, cela pourrait plus qu'annuler l’effet total des libérations de réserves stratégiques annoncées par les États-Unis et leurs alliés.
La libération des SPR ne change rien à nos prévisions concernant le pétrole (> 80 dollars le baril pendant les mois d’hiver). Les risques à court terme sont en équilibre : le principal risque haussier réside dans un plus net remplacement du gaz par le pétrole (en cas d’hiver plus froid), tandis que l’évolution de la pandémie (et les nouvelles restrictions de mobilité) constitue un important risque baissier sur nos prévisions. À cet égard, le prix du baril de Brent connaît aujourd’hui un recul de 82 à 78 dollars, suite à l'annonce d'un nouveau variant agressif du Covid en Afrique du Sud.