Occasion manquée pour la MNB?
Un homme averti en vaut deux, dit-on. Mais peut-être pas en Hongrie, où nous ne serions pas surpris d’apprendre qu’il n’existe pas de traduction locale de ce proverbe… (les experts en la matière peuvent toujours nous détromper). En mai de cette année, la banque centrale hongroise (MNB) avait réduit le rythme de ses relèvements des taux à 50 points de base. Rien de mal à cela, mais la MNB avait commis l’erreur cardinale de laisser entendre qu’elle se rapprochait de la fin du cycle de relèvements, alors que l’inflation – qui en était encore “seulement” à 9,5% – ne manifestait aucun signe d’accalmie. Les marchés anxieux ont fait toucher le fond au forint. Depuis lors, le cours EUR/HUF s’est maintenu au-dessus de 400.
Quatre mois plus tard, lors de sa réunion de politique de septembre, la MNB a relevé son taux directeur de 125 points de base à 13%. C’était plus que ce que la plupart des observateurs attendaient, or la MNB a commis la même erreur qu’en mai. Et cette fois-ci, elle ne s’en est pas tenue à “laisser entendre” quoi que ce soit, mais a déclaré tout net qu’elle en resterait là. Et ce, alors que l’inflation a dépassé la barre des 20%. Les marchés ont particulièrement mal digéré l’annonce. Quand il s’agit de prédire le taux d’inflation, les banques centrales, la MNB comme les autres, ne sont pas des plus clairvoyantes. Il vaut donc mieux préserver un maximum d’options. Budapest se réserve toute une panoplie de mesures techniques, classiques et inédites, pour faire face à la situation. Mais par les temps qui courent, l’économie exige une réponse forte et claire plutôt que du remue-ménage en coulisses.
Le forint a réagi comme prévu. Suite à l’annonce de la MNB combinée aux doubles déficits importants (de la balance courante et du budget) et à un contexte de risque persistant, le cours EUR/HUF a dépassé 430 à la fin de la semaine dernière. Ce qui est très ennuyeux pour lutter contre l’inflation… En réaction, vendredi dernier, la banque centrale hongroise a fait un virage à 180° qui en remontre même au Royaume-Uni. À l’occasion d’une réunion d’urgence convenue à la hâte, la MNB a encore présenté de nouveaux instruments. Retenons ici le plus frappant: la facilité de dépôt d’une durée d’un jour, qui remplace de facto le taux directeur régulier et sur laquelle la banque centrale propose un taux de pas moins de 18% déterminé au jour le jour. Cet instrument restera en vigueur jusqu’à ce que le marché des changes se stabilise, a déclaré le vice-gouverneur Virag, avant d’ajouter que le taux d’intérêt régulier de 13% suffirait à contrer la tendance inflationniste sous-jacente. Une poussée du forint s’en est suivie, le cours EUR/HUF passant de 428 à 417,8, la plus forte baisse de l’histoire de l’euro.
Entre-temps, l’arsenal monétaire de la MNB est devenu si complexe que nous soupçonnons que même les initiés n’y comprennent plus grand-chose. En soi, ce manque de transparence mine l’efficacité de la politique. Précédemment, la MNB avait déjà essayé d’enrayer la chute du HUF en instaurant une énième mesure non conventionnelle (rappelez-vous la facilité de dépôt d’une semaine). Le succès ne fut pas au rendez-vous et finalement, la banque centrale en est revenue à une politique de taux “normale”. La simplicité est payante. C’est pourquoi nous considérons que la décision de vendredi dernier tient plus d’une occasion manquée que d’un changement fondamental pour le forint.