Un deuxième mécanisme unique ??
La journée d'hier s'annonçait relativement calme sur les marchés, avec les fermetures prévues aux États-Unis (Columbus Day) et dans certains pays asiatiques. En l'absence du guide américain, les mouvements sur les marchés sont restés globalement modérés, malgré l’escalade en Ukraine. Une telle "journée de transition" constitue une occasion idéale pour lancer un ballon d'essai et voir les réactions qu'il provoque.
À l’approche de la fermeture du marché européen, Bloomberg a signalé que l'Allemagne avait, lors du sommet européen de Prague de la semaine dernière, ouvert la porte à une nouvelle émission de dettes au niveau européen, afin d’amortir le choc de la crise énergétique. Jusqu’à présent, les discussions au niveau européen ont surtout porté sur les mesures communes à prendre à l’encontre de la Russie, le plafonnement des prix de certaines sources d’énergie ou la taxation des surprofits réalisés dans certains secteurs. Les États membres prennent également des mesures au niveau national afin d'atténuer l’impact de la flambée des prix de l’énergie sur leurs consommateurs et leurs entreprises. Les pays qui disposent d'une plus grande marge budgétaire (faible déficit et/ou faible dette publique) peuvent évidemment en faire plus que les pays qui sont moins bien lotis sur ce plan. L’Allemagne a ainsi décidé de reporter à nouveau le retour à l’orthodoxie fiscale et a annoncé des aides d'environ 200 milliards d'euros, financées par la dette. Les pays avec moins de marge budgétaire craignent de nouveaux déséquilibres économiques, et notamment des distorsions de la concurrence au sein de l’espace commercial européen.
Pour l’instant, l’annonce d’une plus grande souplesse allemande n'en est encore qu'à l'état de rumeurs. Toutefois, au vu du caractère très exceptionnel de la crise actuelle, le marché estime que l'on pourrait assister à une redite des mécanismes de soutien européens qui avaient été qualifiés d'uniques en 2020. À l'époque, l'Europe avait finalement organisé son aide autour du SURE (100 milliards d'euros de prêts "back-to-back" bon marché financés par l’UE aux États membres) et des fonds "Next Generation EU" (750 milliards d'euros de prêts et de subventions liés au budget pluriannuel). Outre l’importance d’un éventuel soutien supplémentaire pour aider les pays à lutter contre la crise, une nouvelle initiative de ce type serait aussi importante pour l’intégration budgétaire européenne et stimulerait le marché des obligations de l’UE. Un mécanisme unique, un deuxième mécanisme unique, un mécanisme (semi-)permanent... Les discussions risquent de durer, mais le marché anticipe. Selon les "sources", Scholz n’aurait ouvert la porte qu'à des prêts financés en commun (idée du SURE) et non à des transferts. Des parallèles pourraient évidemment être tirés avec la crise du Covid.
Le marché a fortement réagi hier, mais le mouvement ne s'est pas poursuivi ce matin. Les taux allemands ont gagné entre 4 pb (2 ans) et 19 pb (30 ans). Pour le marché, un financement au niveau européen équivaut à un engagement budgétaire relativement plus élevé pour les pays forts (Allemagne), au profit des "plus fragiles". Le spread de crédit italien par rapport à l’Allemagne s’est donc considérablement replié hier (- 21 points de base à 10 ans). En principe, ce type de nouvelles sur un (éventuel) renforcement de l’intégration budgétaire européenne donne également un coup de pouce à l’euro, mais le rebond de celui-ci en cours de séance n'aura été que de courte durée. Même en cas de plus forte intégration, l'UE/UEM doit toujours faire face à une crise énergétique qui constitue pour elle un véritable défi existentiel et qui continue de peser sur l’euro.