Un bilan intermédiaire
Ces dernières journées ont été particulièrement mouvementées. Les pronostics pour l'année ont été dépassés. Depuis la mi-septembre, les taux d’intérêt et le dollar ont atteint de nouveaux sommets, alors que les bourses sont tombées à de nouveaux planchers. À cela s'est également ajouté le pari budgétaire du nouveau gouvernement britannique. Les mesures annoncées au Royaume-Uni sont les plus ambitieuses, mais la même dynamique (de marché) s’observe aussi en Europe et aux États-Unis. Le sommet de l’iceberg de l'inflation fond dans la mer, mais, sous la surface, le volume augmente toujours. Si les pires risques de récession sont évités grâce à la politique budgétaire de soutien à la demande, les banques centrales auront alors les coudées plus franches pour mener une politique monétaire restrictive.
Nous profitons du calme relatif de ce matin pour faire le point. Les pics attendus des taux directeurs de la BCE, de la Fed et de la BoE se situent désormais respectivement à au moins 3 %, 4,5 % et 5,75 %. Sur la courbe des taux swaps européens, les durées de 2 à 10 ans inclus se trouvent toutes juste au-dessus des 3 %. Une hausse plus rapide de la partie longue de la courbe a temporairement mis un terme au processus d’inversion. À l'exception d'une courte période en 2013, le taux à 10 ans allemand a franchi la barre des 2 % pour la première fois depuis 2011. Le taux à 10 ans belge cote à 2,8 % et a son sommet de 2,93 % de 2013 dans le viseur. La prime de risque de crédit italienne a, pour la première fois depuis 2019, franchi le cap des 250 points de base. Le taux à 10 ans américain a frôlé les 4 %. Il faut remonter à 2008 pour trouver des taux supérieurs à 4 %. Le taux à 10 ans britannique a déjà franchi ce cap psychologique. Cette hausse s'explique par une forte accélération de la composante des taux réels (prévisions concernant la politique monétaire future). Outre les relèvements et accélérations des taux directeurs, la gestion des bilans pèse aussi dans la balance. Le bilan de la BoE est passé de manière naturelle de quelque 875 milliards de livres (obligations d’État) à moins de 840 milliards de livres. Au cours des 12 prochains mois, les ventes actives d’obligations permettront encore d'alléger le bilan, à 760 milliards de livres. La réduction naturelle du bilan de la Fed a atteint sa vitesse de croisière de 95 milliards de dollars par mois ce mois-ci. Hier, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a pour sa part déclaré que Francfort allait réduire son portefeuille obligataire d’environ 5 000 milliards d'euros dès que les taux se seront normalisés. Au rythme actuel de 75 points de base par réunion, cette échéance sera atteinte en décembre.
Sur le marché des changes, le billet vert pondéré des échanges commerciaux (DXY) a grimpé à 114,50, son cours le plus élevé depuis 2002. Le "cable" est à un moment donné tombé sous le plancher de 1985 de 1 052. Le cours EUR/USD a corrigé à un plus bas autour de 0,9550, un niveau inédit depuis 2002. Le cours USD/CNY teste le sommet de 2019/2020 de 7,17. Il faut remonter à 2008 pour retrouver des niveaux encore plus élevés. Malgré les interventions de la Banque du Japon, la paire USD/JPY continue de fluctuer aux alentours de 144, son plus haut depuis 1998. Les investisseurs continuent de profiter des hausses de cours pour vendre sur les bourses. L’EuroStoxx50 a atteint un nouveau plancher annuel autour de 3 325, son niveau le plus bas depuis le rallye liée à la vaccination de fin 2020. Le S&P 500 américain teste le plancher de juin de 3 640. Le géant technologique Nasdaq fait de même à 10 565.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC