Don’t fight the Fed

Le président de la Fed, Jerome Powell, s'était montré catégorique : si la récession est le prix à payer pour réduire l’inflation, qu'il en soit ainsi ! Hier, la banque centrale américaine a donc décidé à l’unanimité de relever pour la troisième fois consécutive son taux directeur de 75 points de base , à 3-3,25 %. Sans surprise de taille, cette recette sera aussi appliquée en novembre. Ensuite, la prévision médiane de la Fed fait état d'un ralentissement de cadence en décembre (+50 pb) et en février (+25 pb), portant ainsi le taux directeur à un pic 4,5-4,75 %.
Dans le scénario de la Fed, ce pic constituera la norme pour au moins les 12 prochains mois. Cela fait longtemps que Powell insiste sur ce point, sans que les marchés n'y prêtent vraiment attention : les taux ne seront pas abaissés en 2023. Pour 2024 et 2025, les prévisions individuelles des gouverneurs sont partagées, mais une chose est sûre : sauf exception, personne ne s’attend à ce que le taux directeur descende sous son niveau neutre de 2,5 % sur l'horizon de politique de la banque. La médiane pour 2024 et 2025 s’élève à respectivement 3,75-4 % et 2,75-3 %.
Les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation démontrent la détermination de la Fed. Les prévisions d’inflation pour 2022-2024 s’élèvent à 5,4 %, 2,8 % et 2,3 %, contre 5,2 %, 2,6 % et 2,2 %. L’année prochaine, l’inflation de base sous-jacente restera légèrement supérieure à 3,1 %. Sur la même période, la politique de resserrement de la Fed poussera la trajectoire de croissance de 1,7 %-1,7 %-1,9 % prévus en juin à 0,2 %-1,2 %-1,7 %. La croissance restera donc inférieure à sa tendance (1,8 %) au cours des prochaines années.. Le nouveau scénario de la Fed table par ailleurs sur une légère hausse du taux de chômage à 4,4 % l’année prochaine. L’atterrissage en douceur demeure plus ou moins d'actualité. Espoir vain ?
La nouvelle trajectoire des taux a de nouveau provoqué une forte hausse sur le segment court à moyen terme de la courbe des taux américaine. Le taux à 2 ans cote pour la première fois depuis 2007 au-dessus de 4 %. Les bourses américaines ont perdu près de 2 %. Le dollar américain profite de la situation. Le cours EUR/USD est tombé dans le bas de la zone de 0,98, un niveau qu'il n'avait plus atteint depuis plusieurs années. Cela reste un classique sur le marché et c’est aussi ce que la Fed veut. Les taux d’intérêt plus élevés, les bourses plus faibles et le dollar plus fort rendent les conditions financières moins favorables pour les acteurs économiques et aident ainsi à freiner la demande économique générale.
Pour terminer, un petit passage par le Japon. Ce matin, la banque centrale japonaise (BoJ) a annoncé le maintien de sa politique extrêmement accommodante. Après le nouveau relèvement de taux opéré ce matin par la banque centrale suisse, le taux directeur nippon est désormais le seul au monde à se trouver encore en territoire négatif. La BoJ continue de défendre un plafond de taux (0,25 % dans la pratique) au-dessus du taux à 10 ans via des achats d’obligations. L’écart par rapport au reste du monde fait déjà chuter le yen depuis quelque temps. Surtout par rapport au dollar très fort, qui profite du ton agressif adopté par la Fed. Ce matin, le duo Fed-BoJ a poussé le cours USD/JPY au-dessus de la barre de 145 pour la première fois depuis 1998. Le signal pour le ministère japonais des Finances de mettre en œuvre ses menaces verbales d’intervention sur le marché des changes. Depuis, le cours USD/JPY est passé de près de 146 à 141. Nous nous posons donc des questions sur l'efficacité de ces interventions. Sans revirement de la politique monétaire japonaise, le yen restera sous pression.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
USD/JPY : interventions sur le marché des changes pour lutter contre la faiblesse du yen.
