Nouveau tremblement de terre politique en Italie
Le volcan politique italien s'est à nouveau réveillé. Cet été, le gouvernement d’unité nationale de l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, est tombé suite à la décision du Mouvement 5 étoiles (gauche) de retirer son soutien à la coalition en raison d’un désaccord au sujet d’un programme de relance économique. Cette décision coûte cher au mouvement, qui, selon le dernier sondage, verrait les intentions de vote en sa faveur chuter de 20 points de pourcentage à 13 %. Le grand vainqueur serait le parti d'extrême-droite Fratelli d’Italia (FdI) de Giorgia Meloni, qui verrait son score multiplié par cinq, à 25 %, par rapport à 2018. Le FdI devrait être en mesure de former une majorité au parlement en s'alliant avec la Ligue (extrême-droite) et, si nécessaire, le parti Forza Italia de l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi. Le parti de gauche Partito Democratico reste quant à lui bloqué à 22 % et aura, dans ce scénario, difficile à mettre sur pied une coalition alternative.
L’Europe regarde avec méfiance
Ce tremblement de terre politique pourrait aussi provoquer des secousses ailleurs en Europe. L’Italie est la troisième plus grande économie de l’UEM et fait figure de mauvais élève. Le PIB par habitant est orienté à la baisse depuis l’introduction de l’euro et le pays est, après la Grèce, le plus endetté de l’UEM (152,6 % du PIB au premier trimestre de 2022). La situation économique s'est légèrement améliorée sous la houlette de Mario Draghi. En 2022, le PIB réel a progressé de 1,1 % par rapport à avant la pandémie. Les réformes judiciaires et administratives ont rendu l’Italie plus attrayante aux yeux des investisseurs étrangers.
Giorgia Meloni n'est pas du tout sur la même longueur d'onde que Draghi, un pro-européen convaincu, partisan des réformes. Dans le passé, elle a déjà plaidé en faveur d'un retour à la lire italienne et d'une nationalisation de secteurs tels que les aéroports et les chemins de fer. Elle s’est également opposée aux réformes de Draghi visant à stimuler la concurrence pour les entreprises de taxis et dans le cadre des marchés publics. Ses positions anti-immigration et son opposition à certains traités européens, comme l’accord de coopération économique entre la France et l’Italie (le Traité du Quirinal), pourraient provoquer de nouvelles tensions au sein de l’UE.
Pas (encore ?) de crise sur les marchés financiers
Reste toutefois à voir comment Meloni se comportera si elle est élue. Elle a déjà récemment adouci ses positions. Elle se dit désormais favorable à l’euro et partisane de l’OTAN. Elle a également plaidé en faveur d’une politique budgétaire stricte. Pour l’instant, les marchés financiers gardent la tête froide. Le spread entre l’Allemagne et l’Italie n’a grimpé que de 20 points de base depuis la chute du gouvernement et reste donc largement inférieur au plafond qui avait été atteint pendant la crise de la dette. De plus, ce creusement est surtout dû à la hausse généralisée des taux d’intérêt. Les marchés estiment ce que le nouveau gouvernement italien voudra continuer à bénéficier des 192 milliards d'euros de fonds du Plan de relance et de résilience et de la protection de l'Instrument de protection de la transmission de la BCE et donc qu’il mettra (devra mettre) en œuvre les réformes nécessaires. Mais par son attitude un peu plus pro-européenne, Meloni risque d'entrer en conflit avec son partenaire de coalition anti-européen de la Ligue, Matteo Salvini. Ce dernier veut relâcher les rênes budgétaires et entretient des liens étroits avec la Russie.
Laurent Convent, Economist KBC Group