Les producteurs d’électricité en quête de liquidités
Les autorités de contrôle européennes s’inquiètent de plus en plus pour la trésorerie de nombreux producteurs d’électricité. Ceux-ci risquent en effet d’être confrontés à un besoin de liquidités temporaire mais important, en raison de l’extrême volatilité des marchés de l’énergie européens. La forte hausse et la volatilité des prix du gaz et de l’électricité, en particulier, causent des ravages dans la gestion de la trésorerie des producteurs d’électricité. L’heure est donc au branle-bas de combat pour éviter les déficits de liquidité dans le secteur de l’énergie.
La faute au hedging, pas à la spéculation
Ces problèmes ne sont pas dus à une spéculation irresponsable de la part des producteurs d’électricité, mais bien à une stratégie saine, dans le cadre de laquelle ces producteurs tentent justement de se couvrir contre une forte volatilité des prix. Le chiffre d’affaires et le bénéfice des producteurs d’électricité sont en proportion de l’évolution des prix: en termes financiers, il s’agit d’une position “longue”. Pour se couvrir contre les fluctuations de prix, les producteurs prennent une position “courte” en concluant des contrats à terme, c’est-à-dire qu’ils vendent leur production d’énergie future à un prix fixe prédéterminé. Ils se couvrent ainsi contre les risques d’une volatilité future des prix pour leur chiffre d’affaires et leurs bénéfices.
Une stratégie de personne prudente et raisonnable, surtout en période de volatilité extrême! Mais il y a un piège. Les contrats à terme (surtout avec une contrepartie centrale de compensation) exigent certaines garanties financières (liquides), proportionnelles aux gains ou aux pertes intermédiaires “sur papier” de ces contrats à terme. Autrement dit, les hausses de prix avant la fin des contrats obligent les détenteurs de positions “courtes” (les producteurs d’électricité) à verser des garanties supplémentaires intermédiaires pour couvrir les pertes (temporaires), même si celles-ci n’existent que sur papier. C’est ainsi que les énormes hausses des prix de l’électricité engendrent d’importants besoins temporaires de liquidités et dans certains cas – comme maintenant –, des déficits de liquidité et des risques de faillite.
Ces déficits de liquidité alarment les autorités de contrôle. En effet, il n’y a pas de filet de sécurité automatique sur les marchés de l’énergie et si un ou plusieurs producteurs font faillite, il pourrait en résulter des effets domino importants, tant sur les marchés des contrats à terme que sur la production effective d’électricité. C’est pourquoi les pouvoirs publics volent à la rescousse des producteurs. Au début de cette semaine, la Suède et la Finlande ont décidé d’octroyer des garanties de crédits aux producteurs d’électricité. La Suède s’engage pour plusieurs dizaines de milliards d’euros. Mais d’autres pays voient également le danger. Le producteur allemand Uniper s’est assuré d’importantes lignes de crédit (pour environ 11 milliards €, dont 2 milliards issus de la banque publique allemande KfW), tandis que d’autres entreprises allemandes indiquent elles aussi avoir élargi leurs lignes de crédit.
Crise de liquidité 2.0?
Reste à savoir si ces déficits de liquidité déboucheront sur une véritable crise. Les autorités de contrôle nationales sont en tout cas déjà conscientes des risques potentiels et réagissent de manière appropriée. Outre des plafonds de prix européens pour l’électricité et/ou le gaz, les problèmes de liquidité des producteurs d’électricité sont inscrits à l’ordre du jour du sommet européen du 9 septembre.