La BCE souligne sa détermination
Des semaines d’attente… SON moment de gloire… Un véritable match à domicile… La grand-messe annuelle à Jackson Hole! Aux côtés des plus grands de l’histoire. Bernanke… Yellen… À chaque époque ses problèmes. La réponse de Powell: courte et puissante. Du grand Powell… “Nous allons continuer!”… “Des taux plus élevés!”… “Et surtout… pour une longue durée!”… L’inflation a baissé en juillet? Une hirondelle ne fait pas le printemps… ÉDITION SPÉCIALE!!
Et pourtant: pour une fois, le nom de Powell n’a pas été le premier à paraître. Cet honneur, les gros titres tapageurs l’ont réservé à l’outsider: la contrepartie européenne de la Fed, la BCE. Surprise: les pontes de la BCE ont coupé l’herbe sous le pied à la réunion de politique monétaire américaine. Car ils avaient un message. Un message clair. Et surtout, un message plus inattendu que la hype habituelle: la BCE se prépare à opérer un relèvement des taux d’intérêt de 75 points de base en septembre! Francfort veut sacrifier la croissance à court terme sur l’autel de la stabilité des prix à long terme. Tous ceux qui n’y croyaient pas – les meneurs du rallye estival – se retrouvent pris à contrepied. Mention inopinée dans l’allocution du membre finnois du conseil des gouverneurs Olli Rehn: l’euro. Bien que la valeur de la monnaie unique ne soit pas un objectif de politique en soi, sa faiblesse sera une considération importante dans le cadre de la décision de septembre. Autre rumeur frappante: il serait question d’une réduction du bilan. Jusqu’à présent, la BCE n’a fait que s’en tenir à sa politique de réinvestissement, sine die. “Oui, nous relevons les taux, MAIS…” Contrairement à la Fed ou à la Banque d’Angleterre, la BCE réinvestit chaque euro extrait de son portefeuille obligataire – quelque 5 000 milliards – dans de nouvelles obligations. Or, pour la première fois, il se murmure dans les couloirs de l’Eurotower que la BCE publiera un plan directeur en vue de la réduction du bilan avant la fin de l’année… Annonce choc pour la normalisation de la politique!
Ce matin, la réaction des marchés ne se fait pas attendre: les taux swap européens bondissent de 12 à 16 points de base sur le segment entre 2 et 15 ans. Le taux des swaps à 10 ans flirte ainsi avec ses sommets de la mi-juin, soit 2,5% et plus. Pour le milieu de l’année prochaine, le pic attendu du taux directeur de la BCE se situe à présent à 2,25% au lieu de 2%. Une estimation qui semble encore trop conservatrice. Sur le marché des changes, l’euro s’est provisoirement redressé en direction de 1,01 vendredi, mais n’a pas poursuivi sur cette lancée. La rentrée des banquiers centraux sème le désarroi dans le camp des optimistes boursiers. Vendredi, les indices américains ont clôturé la séance en baisse à 4%. De ce côté-ci de l’Atlantique, les pertes s’élèvent aujourd’hui à 1,5%. Le dollar triomphe. Le cours EUR/USD retombe en direction de ses planchers annuels, dans la zone basse de 0,99. Le yen se retrouve dans le même état (USD/JPY 138,70). Le cours GBP/USD a déjà passé ce stade (1,1660). Et le cours EUR/GBP laisse définitivement derrière lui la tendance baissière observée depuis la mi-juin: la paire de devises avoisine à présent le premier niveau de résistance de 0,8512.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC