Fin de la tragédie grecque?
Le 20 août 2022, l’UE a officiellement levé la surveillance renforcée des finances publiques grecques. La Grèce conclut ainsi un chapitre difficile de son histoire, lors duquel elle a reçu quelque 290 milliards d’euros d’aide d’urgence répartis sur trois opérations de sauvetage successives entre 2010 et 2018. Grâce à des années de sacrifices et de réformes profondes, la Grèce retrouve aujourd’hui une part symbolique d’autodétermination.
Le chemin de la croix de la Grèce a commencé en 2009, lorsque le nouveau gouvernement a annoncé que le pays se trouvait dans une mauvaise situation financière. Pendant des années, les gouvernements précédents avaient présenté les finances publiques comme beaucoup plus saines qu’elles ne l’étaient en réalité, notamment pour permettre l’entrée de la Grèce dans la zone euro, mais aussi pour financer des dépenses publiques populaires mais improductives.
Ensuite, les mauvaises nouvelles s’accumulant, le taux des obligations d’État de la Grèce a atteint des sommets. Finalement, les autorités grecques n’ont pas pu continuer à financer leur dette sur les marchés des capitaux et ont dû s’adresser à trois reprises aux pays de la zone euro et au FMI pour obtenir des plans de soutien. Ceux-ci ont été octroyés à contrecœur, par crainte d’un effondrement de la zone euro, et à la condition que la Grèce mette en œuvre des réformes, des mesures de privatisation et des mesures d’austérité très poussées.
Tous les efforts ont finalement permis à l’économie grecque de se renforcer considérablement au cours des années précédant la pandémie de covid. Le solde budgétaire primaire (le solde budgétaire pour le paiement des intérêts) déficitaire est devenu excédentaire, et le déficit de la balance courante s’est fortement réduit.
Défis pour l’avenir
Malgré les nombreuses réformes et mesures d’austérité mises en œuvre, le différentiel d’intérêt entre les obligations d’État grecques et allemandes s’est fortement creusé courant 2022. C’est principalement dû au revirement de politique de la BCE, rendu nécessaire par le taux d’inflation élevé. Après des années d’une politique monétaire extrêmement accommodante qui a notamment eu pour effet une compression des différentiels, cette année-ci, la BCE a mis fin à ses achats nets dans le cadre du PEPP et procédé à un premier relèvement des taux de 50 points de base. Cette remontée des taux a notamment eu pour effet de remettre les pays fortement endettés (Grèce: 193% du PIB en 2021) dans le collimateur des marchés financiers.
Cependant, malgré leur hausse récente, les taux d’intérêt grecs sont loin d’égaler les sommets atteints au plus fort de la crise de l’euro en 2012. C’est dû en partie aux efforts considérables consentis par la Grèce ces dernières années, mais aussi à la structure spécifique de la dette publique grecque. En effet, près de 76% de la dette est détenue par des autorités officielles et sa durée moyenne pondérée est longue, à 18 ans. Enfin, la BCE est intervenue au mois de juillet, au moment où les taux italiens et grecs connaissaient une forte hausse suite à l’instauration de l’instrument de protection de la transmission et à l’annonce du réinvestissement “flexible” des investissements PEPP arrivant à échéance. Le message est clair: la Grèce peut être fière du long chemin qu’elle a parcouru, mais la prudence (et le soutien) restent de mise.
Cora Vandamme, Économiste du groupe KBC