Encore un souci pour l’euro
C'est finalement arrivé hier. Après trois jours de tergiversations, le cours EUR/USD a "véritablement" franchi le cap de la parité, même si la combinaison a encore fait preuve de résilience inattendue par la suite. Cette "rupture" est due à un concours de circonstances. Après l’inflation CPI de mercredi, la croissance des prix à la production américains a une nouvelle fois dépassé les attentes (11,2 % en glissement annuel), ce qui a entraîné une hausse temporaire des taux d’intérêt. Du côté de l’euro, la monnaie unique a, en plus des incertitudes autour de l’approvisionnement énergétique et du spectre plus large de la récession, dû faire face à un nouveau contretemps : une crise politique en Italie.
Commençons par l'Italie. Le premier ministre, Mario Draghi, a présenté sa démission suite au refus du Mouvement 5 étoiles d'approuver un paquet de mesures visant à atténuer l’impact de la perte de pouvoir d’achat. Les mesures sont finalement passées, mais Draghi ne veut plus continuer avec son gouvernement d’unité nationale sans le soutien des principaux groupes au parlement. Il est actuellement impossible de prédire comment cela va se terminer. Quoi qu’il en soit, la crise arrive à un très mauvais moment, tant pour l’Italie que pour l’Europe.
En raison de la hausse générale des taux d’intérêt, le spread de crédit de l’Italie s’est creusé ces derniers mois. Cela a poussé la BCE à mettre en place un nouveau mécanisme visant à garantir une transmission harmonieuse de la politique monétaire dans toute la zone euro lors d’une "réunion de crise" convoquée dans la précipitation en juin. En clair : la BCE va, par le biais de ce programme, acheter de manière sélective des obligations de pays comme l’Italie afin d’éviter que les taux de ces pays ne s’écartent trop de ceux des pays du cœur de la zone euro. L’objectif était/est de présenter ce mécanisme lors de la réunion de la BCE de la semaine prochaine, même si certains ont déjà exprimé des doutes à ce sujet. Des pays comme l’Allemagne ne veulent pas donner de chèque en blanc à l’Italie et veulent lier des exigences d’orthodoxie budgétaire et/ou de réformes économiques au paquet. La probabilité d’une politique légèrement orthodoxe ne fera que diminuer si le gouvernement du technocrate Draghi tombe. La BCE ne s’attendait pas à cela dans la dernière ligne droite avant l'adoption de ce mécanisme de crise politiquement sensible. Le spread italien a continué à augmenter et a contribué à la rupture sous la parité. Quoi qu’il arrive, cette semaine s'annonce cruciale pour la monnaie unique : la décision de taux de la BCE, l'adoption ou non d'un mécanisme de crise crédible, la crise politique en Italie et la réouverture ou non du robinet du gaz russe en Allemagne. Nous ne voulons pas être pessimistes, mais quelle est la probabilité que tous ces dominos tombent dans le bon sens ?
La question est maintenant de savoir pourquoi le cours EUR/USD a finalement clôturé au-dessus de la parité. L'élément déclencheur est venu des États-Unis. Plusieurs gouverneurs de la Fed ont exprimé leur opposition à un relèvement de taux de 100 pb plus tard dans le mois. Le gouverneur Waller et certains de ses collègues veulent d’abord plus de clarté sur l'évolution de la croissance et attendent pour cela les statistiques du marché immobilier et, surtout, les chiffres des ventes au détail et de la confiance des consommateurs prévus cet après-midi. Nous revenons ainsi au nœud gordien entre croissance et inflation qui occupe le marché depuis déjà un certain temps. La crainte d’une récession a récemment fait baisser les taux d’intérêt et c'est aussi le cas aujourd’hui. Le marché des taux intègre donc déjà une grande dose d'incertitude par rapport à la croissance. Pour l’instant, peu de signes montrent que l’inflation permettra rapidement aux banquiers centraux de ralentir le rythme de la normalisation. La balance entre croissance et inflation va très probablement encore à plusieurs reprises pencher dans un sens puis dans l'autre.