(Dur) rappel à la réalité pour la MNB
Le marché des taux est entré dans une phase de consolidation depuis peu. Pour cette année, les jeux sont plus ou moins joués. Au second semestre, la Fed, la BCE et les autres interviendront de manière déterminée afin de ramener l'inflation sous contrôle. Cela pèsera inévitablement sur la croissance et l'emploi. Procéder à un "rapide" resserrement des taux aujourd'hui pourrait permettre, espérons-le, de créer une marge de manœuvre pour l'année prochaine au cas où la croissance venait à ralentir trop fortement.
Tout le monde ne se trouve pas dans la même situation, mais tout de même.Lors de sa réunion de politique de fin mai, la banque centrale hongroise (MNB) pensait avoir réussi à se créer progressivement une petite marge de manœuvre. Après deux relèvements de 100 pb en mars et en avril, elle était repassée à 50 pb. La MNB a entamé son cycle de normalisation tôt (juin 2021) et a, depuis, fait passer son taux directeur de 0,60 % à 5,90 %. C'était nécessaire. L'inflation était en effet beaucoup plus élevée que dans l'UEM et la faiblesse du forint risquait de l'alimenter encore davantage. Le vice-gouverneur Virag estimait pourtant que la MNB ne devait pas systématiquement relevé ses taux en cas de hausse de l'inflation au-dessus de 10 %. Une vision qui n'était clairement pas partagée par le marché, surtout lorsque l'inflation s'est accélérée à 10,7 % en glissement annuel (et même 12,2 % pour l'inflation de base) en mai. De plus, la combinaison d'une forte inflation, de taux plus élevés aux États-Unis et dans l'UEM et de l'aversion pour le risque ont fait plonger le forint à un nouveau plancher historique vis-à-vis de l'euro (EUR/HUF 404). La banque centrale se trouvait donc dos au mur après avoir voulu aller plus vite que la musique.
La MNB disposait, surtout pendant la crise du coronavirus, d'un arsenal un peu plus large et complexe que celui de ses collègues. Dans la pratique, le taux de dépôt à une semaine a été utilisé comme une première ligne de défense pour le forint et a ainsi été relevé à un niveau supérieur à celui du taux directeur "ordinaire". Pendant tout un temps, la MNB a espéré pouvoir revenir à un régime plus normal et gommer cette différence. Il y a deux semaines, la faiblesse du forint a néanmoins forcé la banque centrale à procéder à un rehaussement intermédiaire du taux de dépôt à une semaine à 7,25 %. Et lors de sa réunion de politique de mardi, la MNB a, contre toute attente, également décidé de relever son taux "ordinaire" de 185 pb à 7,75 %. Aujourd'hui, la banque en a remis une couche, avec une hausse (annoncée) du taux de dépôt à une semaine à 7,75 %. La normalisation est désormais un fait, mais la MNB n'a pas vraiment agi comme les autres. L'idée d'un éventuel ralentissement du cycle de resserrement a désormais aussi été remisée.La MNB continuera de relever ses taux tant que l'inflation n'aura pas clairement montré des signes d'essoufflement et repris la direction de l'objectif de 3,0 % (+/-1 %). Sachant que la banque centrale s'attend à voir l'inflation grimper vers 14-16 % d'ici la fin de l'année, il lui reste donc encore du pain sur la planche. Le marché estime que le taux directeur finira par atteindre 10 % (ou plus). En début de semaine, le forint a repris environ 2,5 % par rapport à son plancher historique. La banque centrale hongroise a clairement montré qu'elle voulait éviter que la faiblesse de la monnaie n'aggrave encore la situation.Il faudra toutefois du temps pour regagner la confiance du marché. La MNB préfère vraisemblablement voir le cours EUR/HUF aux alentours de 375/380. À court terme, cela demeure ambitieux, surtout dans un contexte d'aversion pour le risque.
La mésaventure de la MNB a également valeur d'avertissement pour les autres banques centrales. Celle qui retirera trop vite le pied du frein monétaire risque, même si elle le fait avec les meilleures intentions du monde (protéger la croissance), de se voir sanctionnée par le marché. Qui se sent morveux se mouche.