Le conseil de la BRI: n’avoir qu’une aiguille à sa boussole
Croissance ou inflation? Nous avons déjà esquissé le dilemme des banquiers centraux à plusieurs reprises – et nous craignons qu’il ne fera que s’aggraver dans les mois à venir. Il nous semble que le taux d’inflation restera trop élevé pendant trop longtemps pour que les banquiers centraux aient le moindre répit dans leurs cycles de resserrement. Ils n’auront pas non plus la marge de manœuvre nécessaire pour abaisser rapidement les taux afin de soutenir l’économie. Hier, la Banque des règlements internationaux (BRI), la “banque centrale des banquiers centraux”, a rejoint notre analyse. Carstens, le président de la BRI, se montre clair: les décideurs monétaires doivent agir rapidement et avec fermeté. Ils doivent à tout prix éviter qu’un taux d’inflation durablement élevé conditionne les décisions des entreprises et des ménages. Il y aura un prix économique à payer à court terme, mais il en vaudra la peine au regard des avantages de la stabilité des prix à long terme.
Aujourd’hui, l’équivalent européen du symposium américain de Jackson Hole commence à Sintra, au Portugal. Le séminaire est évidemment placé sous le signe des défis monétaires qui se posent dans un monde nouveau. Croissance ou inflation, telle est donc la question. Mercredi après-midi, l’apothéose prendra la forme d’une table ronde avec la présidente de la BCE Lagarde, le président de la Fed Powell et le gouverneur de la BoE Bailey. Le président de la BoJ, Haruhiko Kuroda, ne rejoindra pas ses homologues (ni leurs approches monétaires). Vu les directives de politique fortes qui ont été adoptées lors des réunions de juin, nous ne nous attendons pas à de grands changements de ton. Pour la BCE, les investisseurs guettent des détails supplémentaires à propos du programme que la banque centrale entend mettre en œuvre pour lutter contre la fragmentation du marché. Mais ils resteront probablement sur leur faim, bien que Lagarde puisse souligner sa détermination en formulant un nouveau “whatever it takes”.
Cependant, l’événement majeur de cette semaine aura lieu vendredi, avec la publication du taux d’inflation européen pour le mois de juin. La forte dynamique mensuelle du mois de mai (0,8% en glissement mensuel) ne se sera guère affaiblie, voire pas du tout. En principe, cela donnera un taux d’inflation de ≥ 8,5% en glissement annuel. L’inflation de base sous-jacente pourrait franchir pour la première fois le cap symbolique de 4% en glissement annuel. Dans ce scénario, des relèvements de taux de 50 points de base par la BCE deviendront inévitables à partir de septembre.
Sur les marchés des taux, le calme est revenu vendredi dernier. Après une forte correction à la baisse en début de semaine, un semblant d’équilibre est revenu. Les courbes haussières sont restées en place. Les bourses ont remonté par rapport à leurs planchers récents, mais nous restons sceptiques vis-à-vis du potentiel durable de ce type de rebonds. Quant au marché des changes, et en particulier la paire EUR/USD, un calme relatif règne. D’une part, comme au mois de mai, le dollar n’est pas parvenu à franchir le sommet de EUR/USD à 1,0350 de 2017. D’autre part, les gains de l’euro restent limités pour l’instant. Cependant, le cours EUR/USD affiche des velléités haussières. La tendance baissière pourrait ouvrir la voie à un nouveau canal latéral large entre 1,0350 et 1,08. Dans le climat de marché actuel, un test de résistance intermédiaire autour de 1,0627/42 semble probable. Une rupture à la hausse rendrait l’image technique neutre à court terme.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC