La MNB repasse à la vitesse supérieure
Hier, cette chronique abordait la “notice” intéressante de Tiff Macklem, le gouverneur de la banque centrale canadienne. Elle rappelait notamment que les banques centrales peuvent elles aussi être prises à contre-pied et que dans ce cas, il convient d’adapter la stratégie. La BCE n’a pas encore parcouru la notice… Mais entre-temps, la banque centrale hongroise (MNB) a quant à elle appris à s’adapter, bon gré mal gré, à un nouveau contexte.
Pendant longtemps, la priorité de la MNB a été de soutenir la croissance. Dans ce cadre, il s’agissait d’éviter une devise trop forte. Mais plus tôt cette année, la MNB est intervenue lorsque la faiblesse de la devise et la hausse de l’inflation risquaient de provoquer un cercle vicieux: elle a été l’une des premières banques centrales à entamer un cycle de relèvement des taux au mois de juin, avec un relèvement de 30 points de base répété en juillet et en août. Ce départ en trombe a permis à la MNB de voir venir et de ralentir quelque peu le rythme (+15 points de base) en septembre et en octobre. Cependant, la MNB est dans le même bain que les autres banques centrales, au sens où ses projections d’inflation à peine publiées s’avèrent déjà dépassées. La MNB tablait sur un objectif d’inflation de 3%, avec une marge de tolérance de 1%. Or en octobre, les prix ont augmenté de 6,5% en glissement annuel. Dans l’exposé des motifs qui a suivi la décision de politique d’hier, le vice-gouverneur Virag a admis que l’inflation dépasserait certainement les 7% ce mois-ci et qu’elle devrait rester élevée (encore) plus longtemps que prévu. La MNB se voit contrainte de ramener le rythme des relèvements des taux d’intérêt à 30 points de base (à 2,1%). Et elle ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’il s’agit du début d’une nouvelle série. Nous tenons compte de relèvements mensuels d’au moins 30 pb jusqu’en février, avec une évaluation en mars. Outre les relèvements “officiels” des taux, la MNB prend des mesures techniques pour soutenir la devise, entre autres.
À première vue, la MNB a pris des mesures énergiques. Pourtant, dans un premier temps, le marché (des changes) s’est montré déçu. Ce n’est qu’après la publication des mesures supplémentaires et l’engagement clair pour l’avenir pris par Virag lors de la conférence de presse que le forint a gagné (un peu) de terrain. Pourquoi ce manque d’enthousiasme du marché? Tout d’abord, la conjoncture n’est pas favorable à Virag et à ses collègues, car ils prennent leur décision dans un contexte de hausse du dollar et des taux d’intérêt américains, après la publication de chiffres encourageants. Souvent, les devises des plus petits pays en pâtissent. Dans une optique plus large, le marché se demande si les mesures de la MNB sont… suffisamment énergiques. Car même avec un taux directeur de 3,0/3,5% l’année prochaine et un ralentissement progressif de l’inflation (espérons-le), les taux réels restent largement en territoire négatif. Ce contexte pénalise inévitablement la devise d’un pays comme la Hongrie. De plus, la perspective d’une normalisation de la politique de la Fed au premier semestre de l’année prochaine pourrait faire grimper les taux réels dans les grandes économies (surtout aux États-Unis et peut-être même dans l’UEM); là encore, ce serait au détriment de la position relative de petites devises comme le forint. Les intentions de la MNB sont claires: elle mettra tout en œuvre pour éviter qu’un nouvel affaiblissement du forint n’aggrave le problème de l’inflation. Le cours EUR/HUF 368/370 (un plancher historique pour le forint) devient une importante ligne de défense. Quant à savoir s’il s’agira du début d’une reprise durable, rien n’est moins sûr. Une reprise sous la barre de EUR/HUF 360/358 indiquerait que le marché suspend son “attaque” contre l’approche de la MNB. Le cours EUR/HUF 350/345 constitue une autre référence importante, mais pour y parvenir, l’effet domino (tant au niveau national que dans le contexte général du marché) devra tomber particulièrement juste.