La Fed transforme l'essai

Pas 25, ni 50. Mais 75 points de base. Hier, la banque centrale américaine a procédé à son relèvement de taux le plus important depuis 1994, à 1,5-1,75 %, le niveau d’avant la pandémie. Cette manœuvre est tout à fait exceptionnelle... mais pas pour autant inattendue. Lors de la réunion de mai, le président de la Fed, Jerome Powell, évoquait encore de nouvelles interventions de 50 points de base. Mais plusieurs chiffres publiés vendredi dernier ont changé la donne.L’inflation (8,6 % en mai) n'a pas ralenti. Bien au contraire. Et elle influence de plus en plus les attentes des consommateurs. Cela a à ce point inquiété la Fed que celle-ci a, en pleine période de discrétion qu'elle s'impose avant une réunion, laisser fuiter ses intentions dans la presse. Cela a entraîné un net repositionnement au niveau des bourses, du dollar et des taux d’intérêt.
La persistance d'une inflation (plus) élevée (que prévu) est et reste la priorité numéro un de la Fed. Cela ne fait aucun doute. Certains facteurs exogènes sont hors de portée de la banque centrale, comme les perturbations dans les chaînes de production, encore aggravées par la guerre en Ukraine et les nouveaux confinements en Chine. Mais la surchauffe du marché du travail et la forte demande sont en revanche des éléments sur lesquels la Fed peut avoir une prise. Et elle a bien l’intention d'agir à ce niveau. Nous nous attendons ainsi à une deuxième hausse de 75 points de base en juillet. À ce moment-là, le taux se trouvera au niveau d’équilibre théorique de 2,5 %. Selon les nouvelles projections individuelles des gouverneurs, le taux directeur devrait avoir été resserré à 3,25-3,5 % d’ici la fin de l’année. Le cycle haussier se poursuivra en 2023, pour atteindre 3,75-4 %, un niveau qui correspond à nos prévisions. Le taux directeur se retrouvera beaucoup plus rapidement que prévu dans une zone de resserrement monétaire. La Fed espère ainsi réduire considérablement l’inflation, même si celle-ci devrait rester selon elle supérieure à l’objectif de 2 % tout au long de l’horizon de politique (2,2 % en 2024). Cela aura des répercussions sur l’économie. La croissance a ainsi été revue à la baisse à 1,7 % pour cette année et la prochaine. Le taux de chômage augmentera également un peu plus vite que prévu, sans pour autant connaître de dérapage (4,1 % en 2024). Pas mal pour un resserrement monétaire de cette ampleur, non ? Un atterrissage en douceur, comme Powell l’appelle désormais. Lors de la conférence de presse, certains ont tout de même froncé les sourcils en entendant ces belles perspectives. Mais si la Fed le dit...
La mission de Powell hier était claire : annoncer un resserrement sans précédent sans provoquer la panique. Il s'en est d'ailleurs bien sorti. Les graines que la Fed avait semées sur le marché plus tôt dans la semaine ont donné le résultat escompté. Les marchés considèrent la fonction de réaction adaptée relativement appropriée et Powell n’a eu qu’à transformé son essai. Cela a permis de désamorcer provisoirement le débat. En attendant la publication du chiffre de l'inflation américaine le 13 juillet, nous tablons sur une période de consolidation sur les marchés américains. Pour le taux à dix ans, 3,5 % se profile comme un niveau de résistance potentiellement solide. Le potentiel baissier s'inscrit dans la zone autour de 2,7 %. Pour le dollar, le cours EUR/USD évoluera provisoirement dans la zone entre 1,035 et 1,0806. Étant donné le contexte particulier en Europe, c'est la moitié inférieure de cette fourchette qui aura probablement le plus de pouvoir d'attraction.
Le taux à 10 ans américain devrait connaître une accalmie.
