Tiff rédige un mode d'emploi

Qui lit encore les modes d'emploi à l'heure actuelle ? C'est juste un document que l'on consulte après avoir constaté que rien ne fonctionne. Nous nous permettons de faire ici un parallèle avec les banques centrales. La pandémie a forcé celles-ci à prendre des mesures (particulièrement) non conventionnelles dans des proportions inédites. Cette énorme injection de monnaie a entraîné la plus forte hausse de l'inflation depuis des décennies. Et les conséquences indésirables de cette poussée inflationniste se font aujourd'hui ressentir sur la croissance. Heureusement pour les décideurs monétaires, la Banque du Canada vient de publier le mode d'emploi tant attendu. Une lecture obligatoire, si vous nous le demandez, pour les collègues de la BoC et la BCE.
Dans un article paru dans le Financial Times, le gouverneur de la BoC, Tiff Macklem, nous donne un aperçu de ce qui se trouve sous le capot de la machine monétaire. Selon Macklem, sa banque centrale parvient à maintenir une politique de stimulation de la croissance tout en restant attentive à la forte pression inflationniste. Un exercice délicat au cours duquel il y a eu des hauts et des bas. Au cours de ce processus, la BoC a appris trois leçons importantes.
Un : il faut tout mettre en œuvre pour lutter contre la crise, mais il faut aussi directement fixer des conditions claires à l'abandon des mesures exceptionnelles. La crédibilité de la politique monétaire ne va pas que dans un seul sens. Deux : il faut lier ces conditions à des résultats quantitatifs, et pas à des échéances dans le temps. La Banque du Canada a réduit son programme d'assouplissement quantitatif (achats nets d’obligations d’État, QE) de 4 milliards de dollars par semaine en avril à 0 en octobre. L’économie s’est rouverte, s’est rapidement redressée, a entre-temps renoué avec son niveau d’avant la crise et devrait continuer à bien se porter dans un avenir proche. D’après la BoC, renforcer le QE n’a plus aucun sens. La banque centrale évoque en revanche un timing en ce qui concerne le premier resserrement de taux, mais conditionne clairement celui-ci à un résultat : l’élimination des capacités excédentaires. La BoC a déjà avancé sa prévision en la matière à deux reprises (deuxième et troisième trimestres de 2022), poussée par les chiffres économiques. Trois : il faut se préparer à l'inattendu et se montrer humble. La BoC invite à l’humilité. Une crise de cette taille est inédite et des surprises surgissent à chaque étape de la reprise. Qui aurait pu imaginer l’été dernier une quatrième vague et un nouveau resserrement des mesures de restriction ? Dans un même temps, peu d’observateurs s’attendaient à une inflation de plus de 6 % aux États-Unis. Personne ne détient la vérité. Toute banque centrale doit également le reconnaître. Macklem apprécie dès lors le cadre monétaire qui permet à la BoC d’anticiper l'évolution des conditions. Oui, il estime toujours que l’inflation élevée est en grande partie temporaire. Dans un même temps, le gouverneur reconnaît qu’elle est beaucoup plus tenace que prévu et qu’elle a des conséquences pour l’économie, et donc aussi pour la politique monétaire. Et si la BoC se fourvoyait complètement ? Dans ce cas, elle ajusterait la voilure sans hésitation.
Le cours EUR/CAD touche un plancher alors que la BCE et la BoC se trouve chacune d’un côté du spectre monétaire.