La Banque du Canada sert d'exemple pour la Fed
Hier, la banque centrale canadienne (BoC) a, comme prévu, relevé son taux directeur de 50 points de base pour la deuxième fois consécutive, de 1 % à 1,5 %. Dans des termes sans équivoque, la banque affirme que la fin du cycle de resserrement n’est pas encore en vue et que le rythme pourrait même encore être accéléré (+75 points de base !). Le 13 juillet, le taux directeur devrait en principe s’élever à 2 %(ou plus ?) pour la première fois depuis 2008. À côté de cela, le processus de réduction progressive de la taille du bilan – le deuxième pilier de la normalisation de la politique – se poursuit normalement.
Le communiqué de politique est court et précis. L’inflation continue de grimper, tant dans le pays (6,8 % en glissement annuel) qu’à l’étranger. Si les prix de l’énergie et des denrées alimentaires restent les principaux responsables, plus de 70 % des biens/services du panier de l’inflation canadien affichent tout de même une hausse des prix de plus de 3 % sur une base annuelle. En outre, le risque que la hausse de l’inflation (future) s’ancre dans l'esprit des ménages et des entreprises ne fait que s'accroître. C'est pour éviter cela que le gouverneur Macklem et ses collègues poursuivent sans relâche leur croisade contre l’inflation. La pression sur les prix doit et va retomber en direction de l’objectif de 2 %. La vigueur de l'économie permet d'offrir une marge de manœuvre suffisante. La croissance du PIB canadien a atteint 3,1 % en glissement trimestriel au premier trimestre et le marché de l’emploi tourne à plein régime. Comme aux États-Unis, les entreprises canadiennes sont confrontées à d’importantes pénuries de main-d'œuvre et à un accroissement de la pression salariale. Les perspectives montrent des risques de hausse de l’inflation et de baisse de la croissance. Les "suspects habituels" - perturbations dans les chaînes de production, confinements et ralentissement de la croissance en Chine et invasion russe – sont toujours pointés du doigt. En ce qui concerne la croissance, la BoC reconnaît que les nuages s'amoncellent surtout au-dessus du vieux continent. Le Canada profite en outre encore des richesses de ses voisins du sud.
Les taux swap canadiens ont gagné jusqu’à 13 points de base sur la partie courte de la courbe après l’allusion à un possible relèvement de taux de 75 points de base. Le dollar canadien n'est pas non plus resté insensible à l’agressivité affichée par la Banque du Canada vis-à-vis de l’inflation. Le dollar américain a cependant directement emboîté le pas de son voisin canadien. Au moment où la banque canadienne a annoncé sa décision de politique, un solide indicateur de confiance ISM a été publié aux États-Unis pour l’industrie manufacturière. Cela a définitivement tranché le dilemme entre croissance et inflation qui tient le marché en haleine depuis la mi-mai. Le feu vert accordé par Biden à Powell pour que ce dernier mette tout en œuvre pour restaurer le pouvoir d’achat avait déjà fait pencher la balance en ce sens en début de semaine. Les taux américains ont gagné jusqu'à 10 points de base et le dollar a profité de ce soutien des taux. Au final, tout cela s'est soldé par un "match nul" à 1,2650 pour le cours USD/CAD. Grâce à la hausse du prix du pétrole, le dollar canadien s’est toutefois mieux comporté ces derniers jours. Tant que la Fed et la BoC resteront sur la même longueur d’onde, le cours USD/CAD continuera d"évoluer entre 1,24 et 1,30. La devise canadienne a bien progressé par rapport à l’euro. Le cours EUR/CAD est passé de 1,36 à 1,3450 et a ses plus bas historiques de 1,34 en vue. Tant que l’euro ne reprendra pas des forces, un affaiblissement du cours EUR/CAD sera la voie de la moindre résistance.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC