Comment décrocher du gaz russe
La guerre russe avec l’Ukraine a mis en évidence la dépendance énergétique de l’UE vis-à-vis de la Russie. La Russie est prête à utiliser les livraisons en énergie comme arme politique et économique, comme en a récemment attesté l’arrêt de ses livraisons de gaz à la Bulgarie, à la Pologne et à la Finlande. La pénalisation de la Bulgarie et de la Pologne fait suite à leur refus de payer leurs livraisons de gaz en roubles; la Finlande fait l’objet de représailles en raison de sa demande officielle de devenir membre de l’OTAN.
REPowerEU
En mars 2022, la Commission européenne (CE) avait déjà annoncé son intention de devenir indépendante du gaz russe d’ici 2030 et de réduire de deux tiers les importations de gaz en provenance de Russie d’ici la fin de cette année. Ce ne sera pas une sinécure, car environ 40% du gaz consommé dans l’UE provient de Russie.
Par conséquent, la nouvelle communication de la CE annonce le développement d’un plan pour mettre fin à la dépendance de l’UE à l’égard du gaz russe. Baptisé REPowerEU, ce plan provisoire prévoit pour 300 milliards d’euros de mesures et a été présenté la semaine dernière. Il s’appuie sur le paquet “Fit for 55” et complète les mesures prises précédemment pour remplir le réservoir de gaz à 90%. Il se compose d’actions visant à économiser de l’énergie, à diversifier l’offre de combustibles fossiles, à accélérer la transition vers l’énergie verte et à combiner intelligemment investissements et réformes.
Des réactions mitigées
Comme toujours, le plan a ses partisans et ses détracteurs. Les premiers soulignent que le projet pourra accélérer la transition énergétique. La CE prévoit notamment un relèvement de ses objectifs (par rapport au plan Fit for 55), de 40% à 45% en ce qui concerne la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique total et de 9% à 13% en ce qui concerne l’efficacité énergétique.
Les détracteurs du projet regrettent surtout que les combustibles fossiles fassent toujours partie de la nouvelle stratégie. Ainsi, les États membres peuvent par exemple affecter des fonds du plan à la construction de terminaux GNL (jusqu’à 4% des fonds peuvent être consacrés à l’investissement dans de nouvelles infrastructures pétrolières et gazières). Ces terminaux peuvent certes accélérer le désengagement du gaz russe en permettant l’importation de GPL d’autres régions, mais ils rendraient aussi les États membres dépendants des combustibles fossiles à long terme. D’autant que les investissements seront partiellement financés en retirant des droits d’émission de la réserve de stabilité de marché (MSR) du système d’échange de quotas d’émission (EST), ce qui se traduira donc par l’ajout de droits d’émission de CO2 sur le marché.
Les autres sources de financement posent également question. Nombre d’entre elles ont été recyclées (et pas dans le bon sens du terme…), de sorte que le paquet financier semble beaucoup plus impressionnant qu’il ne l’est réellement. La majeure partie du financement (225 milliards d’euros) proviendra en effet de prêts inutilisés de la Facilité pour la reprise et la résilience, un instrument post-COVID-19. L’adjudication des droits ETS permettra d’y ajouter 20 milliards d’euros (en subventions). Plus de 34 milliards d’euros proviendront en outre du Fonds européen agricole et du Fonds de cohésion.
La réussite du plan dépend en grande partie de la volonté des États membres de l’UE de consentir les investissements nécessaires et de demander effectivement les prêts, qui représentent la majeure partie du financement.