La RBA fait son mea culpa, bis
La banque centrale australienne avait relevé son taux directeur pour la dernière fois en juin (à 4,1 %). Ensuite, elle était entrée dans une longue et profonde hibernation. Lors des quatre réunions de politique qui ont suivi, elle a en effet systématiquement opté pour le statu quo. Mais ce matin, le soleil brûlant du printemps a sorti Sydney de sa léthargie.
La banque centrale a relevé son taux directeur de 25 points de base à 4,35 %, son niveau le plus élevé depuis 2011. Le raisonnement de la RBA est on ne peut plus simple. Lorsqu'elle avait décidé de faire une pause après juin, c’était parce qu’elle voyait clairement que les relèvements cumulés de 400 points de base étaient en train de faire leurs effets. L'équilibre entre la demande et l’offre se rétablissait. En outre, l’impact du dernier resserrement monétaire ne s'était, selon elle, pas encore fait ressentir. Mieux valait donc attendre.
Quelques mois et une batterie de chiffres économiques plus tard, la banque centrale adapte sa vision. L’inflation est en baisse, mais à un rythme plus faible que prévu. Elle est ainsi prévue à 3,5 % pour fin 2024. Et pour fin 2025, les estimations font toujours état d'une inflation dans la partie haute de l’objectif de 2-3 %. Plus récemment, le chiffre publié pour le troisième trimestre s'est établi à 1,2 % en glissement trimestriel et 5,4 % en glissement annuel. Ce qui préoccupe surtout la RBA, c’est que les prix de nombreux services continuent d'augmenter fortement. Elle voit à quel point l’inflation des services se montre tenace ailleurs dans le monde et craint une évolution similaire en Australie. D’autant plus que l’économie résiste mieux que prévu et que le marché du travail est toujours trop tendu. Tout le monde n’a pas vu la décision de ce matin arriver. Le dollar australien et les taux d’intérêt ont ainsi connu un très bref rebond. Dans le dernier paragraphe de sa déclaration de politique, la RBA montre toutefois qu'elle est un peu moins disposée à procéder à de nouveaux resserrements. Le marché a entendu le message. À AUD/USD 0,642, la devise australienne montre déjà des signes de faiblesse. Mais les arguments en faveur d’un rebond à court terme (conjoncture, environnement du risque, taux clés) sont, selon nous, peu nombreux. La barre de AUD/USD 0,617 constitue un important niveau de support.
Ce n’est pas la première fois que la RBA ressort l’arme des taux après une pause. Elle l’avait déjà fait en mai. La fréquence élevée des réunions permet une telle flexibilité dans la stratégie. C'est pourtant loin d'être une obligation.. Prenons l’exemple de la Banque du Canada, qui a (provisoirement) encore relevé son taux d’intérêt de 50 points de base cumulés après une interruption de trois mois. L’exemple de la RBA (et de la BoC) donne lieu à réflexion. Il est évident que les banques centrales du monde entier sont déjà bien avancées dans leurs campagnes de resserrement historiques. Cela explique en grande partie la posture attentiste adoptée par la BCE et la Fed lors de leur dernière réunion de politique respective. Les incertitudes demeurent cependant élevées, notamment en ce qui concerne l’inflation, qui s'avère souvent plus tenace qu'initialement prévu. Les marchés financiers, qui anticipent, ont généralement tendance à passer rapidement de la pause à l'arrêt des resserrements puis aux baisses de taux. L’Australie montre qu’un peu de retenue est de mise. La patience est une belle vertu.