Test des sommets des taux, pas encore de rupture
Les économistes considèrent souvent les chiffres du marché de l’emploi comme un indicateur retardé. Selon ce raisonnement, les entreprises n’adaptent leur effectif que lorsque la tendance économique s’est déjà clairement inversée. On s’attend ainsi depuis un certain temps à ce que le marché du travail se refroidisse maintenant que la croissance ralentit, y compris aux États-Unis. Or les banques centrales ont beau appuyer sur le frein monétaire, cette réaction demeure extrêmement lente, voire toujours en attente. Si le rapport sur le marché du travail de la société ADP a suggéré un premier mouvement en ce sens, d’autres séries (postes vacants, demandes de chômage…) pointent encore dans la direction opposée. En même temps, les données mensuelles officielles du marché du travail (payrolls) ont surpris même les plus optimistes.
En septembre, l’économie américaine a créé pas moins de 366 000 emplois supplémentaires. Par ailleurs, la croissance de l’emploi a été revue à la hausse de 219 000 unités pour les deux mois précédents. D’où provient cette croissance? Principalement du secteur privé des services (horeca et loisirs, soins de santé). Mais les pouvoirs publics et l’industrie ont également recruté. L’évolution du secteur de l’industrie est par ailleurs conforme à la lecture récente des indicateurs de confiance, qui dénotent une stabilisation progressive du recul du secteur de la production. D’autres ‘détails’ sont moins spectaculaires: les salaires ont augmenté de 0,2% en glissement mensuel (4,2% en glissement annuel), tandis que le taux de chômage s’est stabilisé (3,8%).
De prime abord, les marchés ont réagi nerveusement. Les taux ont grimpé de plus de 10 points de base. Les taux américains à 10 et 30 ans ont atteint de nouveaux sommets cycliques, respectivement à 4,88% et 5,05%. Si une reprise du krach obligataire a d’abord semblé s’annoncer, en fin de compte, les taux ont clôturé avec ‘seulement’ 6 à 8 pb de plus, en deçà des sommets atteints précédemment la semaine dernière. À l’approche d’un long week-end, les investisseurs se sont montrés prudents. Les bourses américaines sont fermées aujourd’hui à l’occasion du Columbus Day. Cela n’a pas empêché le taux d’intérêt réel à 10 ans d’atteindre un nouveau sommet (2,48%!). Malgré tout, le dollar n’a pas repris sa progression. Le cours EUR/USD a même clôturé en légère hausse (1,058). Les bourses ne se sont pas laissé impressionner par la hausse des taux d’intérêt (réels) (Nasdaq). La réaction du marché vendredi nous conforte dans notre sentiment que le marché des taux pourrait s’accorder une pause. Même chose en principe pour le dollar et la correction boursière, bien qu’il ne faille pas négliger n’influence des tensions géopolitiques au Moyen-Orient.
Les marchés ont encore du mal à y croire, mais le relèvement supplémentaire annoncé par les gouverneurs de la Fed le mois dernier est plus que jamais à l’ordre du jour. Hasard du calendrier, la Fed ne disposera que d’un seul rapport supplémentaire pour les payrolls et le taux d’inflation entre les réunions de septembre du 1er novembre. Les chiffres de l’inflation pour le mois de septembre seront publiés jeudi. Le marché ne place pas la barre très haut, avec des attentes à 0,3% tant pour l’inflation générale que pour l’inflation de base. En cas de flambée surprise, la Fed n’aura presque plus d’autre choix que de joindre le geste à la parole… Quant à savoir si cela fera augmenter les taux à long terme, c’est une autre question, car dans un premier temps, le marché se contentera peut-être de saluer la fin définitive du cycle des taux. Cette semaine, outre l’inflation américaine, nous serons attentifs à l’adjudication des obligations d’État américaines à long terme (pour 35 milliards USD d’obligations à 10 ans mercredi, pour 20 milliards USD d’obligations à 30 ans jeudi). Sans oublier qu’à la fin de cette semaine, ce sera aussi le début de la saison des résultats aux États-Unis.