CNB : nouveaux patrons, nouvelles règles ?
Aleš Michl. Ce nom fait frissonner la devise tchèque. Vendredi dernier, certains médias avaient laissé entendre que l’homme allait devenir le nouveau président de la banque centrale tchèque (CNB). Cela s’est confirmé. Mercredi, le président Miloš Zeman a en effet nommé Michl pour succéder à Rusnok, dont le mandat arrivera à son terme en juin. La couronne tchèque a très mal accueilli la nouvelle. Le cours EUR/CZK a été secoué à deux reprises, avec à chaque fois une perte de +/-2 %. Vendredi dernier, la paire de devise a clôturé au-dessus de 25, contre 24,58 la veille. Et avant-hier, le cours a encore tremblé et a pris la direction de 25,50, le niveau le plus faible atteint par la couronne depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La CNB a par conséquent une nouvelle fois décidé d’intervenir. “Afin d’éviter un affaiblissement à long terme de la couronne dans un contexte d’inflation élevée”, comme on peut le lire depuis hier sur le site web de la banque. Le cours EUR/CZK est alors repassé sous la barre de 25.
Qui est Michl ? Le conseiller économique externe de l’ancien premier ministre Babiš n’est pas un inconnu. Depuis décembre 2018, il fait partie des sept membres du directoire de la CNB. À ce titre, il est donc en partie responsable du cycle de resserrement agressif de la banque. En moins d’un an, celle-ci a fait passer son taux directeur de 0,25 % à, provisoirement, 5,75 % (plus d’infos ici). Un rythme de resserrement inédit, nécessaire pour lutter contre l’inflation. En avril, les prix ont grimpé de 14,2 % en moyenne, la hausse la plus rapide depuis 1993. Mais “être en partie responsable de” ne signifie pas nécessairement “être partisan de ”. Depuis le début du cycle, deux membres du directoire ont systématiquement voté contre chaque relèvement : Oldřich Dědek et … oui, vous l’avez deviné.
Selon Michl (et Dědek), l’inflation est essentiellement due à des facteurs exogènes et à la flambée des coûts. La conséquence des perturbations dans les chaînes de production – un héritage de la pandémie – et de l’envolée des prix des matières premières. La banque centrale n’a aucune prise sur ces deux éléments, comme Michl l’a encore répété lors de son allocution suite à sa nomination. Pas vraiment le discours neutre que l’on pourrait attendre d’un président. Mais cette logique inflationniste ne tient pas totalement la route. Elle fait fi de la surchauffe du marché de l’emploi qui, via les fortes hausses des salaires, maintient la consommation privée plus ou moins à niveau. En outre, l’inflation tenace influence les anticipations, tant sur le plan financier que par rapport à l’économie réelle. Tel est encore provisoirement l’avis d’une majorité du comité de politique.
“Provisoirement”, parce que la composition du directoire pourrait encore être fortement modifiée. Outre le poste bientôt vacant de Michl, le président Zeman doit encore décider, au plus tard en fin juin, du sort de deux autres membres, Nidetzky et Benda, dont le mandat arrive bientôt à expiration. Ces derniers pourraient être reconduits, mais rien n’est certain. Zeman se montre en effet de plus en plus critique vis-à-vis de la politique monétaire stricte. Compte-t-il dévoiler ses cartes ? Il faudra attendre son choix définitif. Les marchés redoutent d’ores et déjà un changement de régime. La CNB tiendra une dernière réunion dans sa configuration actuelle en juin. Elle aura donc intérêt à faire bon usage de cette opportunité.