Powell va-t-il pousser le yen à la baisse ?
Les chiffres de l’inflation japonaise pour la région de Tokyo constituent un bon indicateur de l’évolution des prix à l'échelle national. Les chiffres publiés ce matin ont de quoi alimenter un véritable débat au pays du soleil levant. La Banque du Japon (BoJ) doit-elle ou non abandonner sa politique de stimulation ultra-accommodante?
L’inflation hors prix de l'alimentation fraîche, le principal indicateur suivi par la BoJ, s'est légèrement repliée à 2,8 % en glissement annuel. L’inflation sous-jacente, qui ne tient pas non plus compte des prix de l'énergie, s'est maintenue à 4 % en glissement annuel, son niveau le plus élevé depuis 1982 ! La BoJ n’est toujours pas certaine que la longue page de la déflation est définitivement tournée et que l’inflation s'est désormais installée dans les alentours de 2 %. Il faut noter que l’inflation nationale dépasse les 2 % depuis avril de l’année dernière et est en outre maintenue artificiellement basse par les subventions énergétiques.
Un autre débat quelque peu ésotique est de savoir si la BoJ a déjà fait ses premiers pas vers une normalisation de sa politique. À côté de son taux directeur de -0,1 %, la banque achète toujours massivement des obligations (et d’autres actifs). Jusqu’en décembre, elle a acheté des obligations à 10 ans à un taux de maximum 0,25 %. La banque centrale a dans un premier temps relevé ce seuil à 0,50 % avant de le faire passer à 1,0 % en juin (le taux à 10 ans japonais a entre-temps grimpé à 0,66 %) pour rétablir le fonctionnement du marché obligataire. À cause de la faiblesse artificielle des taux, de nombreuses parties s'étaient retirées et la liquidité s’était asséchée. Plusieurs signes montrent aujourd'hui que le marché obligataire fonctionne de nouveau mieux. La hausse marginale des rendements obligataires n'a en revanche rien changé à la faiblesse du yen. Le cours USD/JPY avoisine de nouveau la zone de 145/150, un niveau qui avait convaincu les autorités d'intervenir l’automne dernier afin de mettre un terme à la chute de la monnaie. De nouvelles interventions sont-elles à prévoir ? Possible. Dans la mesure où elle devient une source de plus en plus importante d’inflation importée (notamment via l'augmentation des prix des matières premières importées), cette faiblesse de la devise risque d'avoir plus d'inconvénients que d'avantages, même pour un grand pays exportateur comme le Japon. On peut donc parler d’un véritable problème d’inflation. Ce dernier doit-il être réglé via des interventions sur les taux de change ou via un resserrement de la politique monétaire ? Poser la question, c'est y répondre.
À sujet, impossible pour nous de ne pas évoquer le discours que Jerome Powell prononcera à Jackson Hole plus tard dans la journée. Si le président de la Fed indique tout à l’heure que la campagne anti-inflation n’est pas encore terminée et/ou qu’il ouvre la voie à un taux neutre plus élevé, le fossé entre la BoJ et la Fed (mais aussi d’autres banques centrales) deviendra vraiment très important. Une certaine nervosité/tension était d'ailleurs déjà palpable hier, non seulement sur les bourses, mais aussi sur le marché des changes. Le cours USD/JPY s’est à nouveau redressé et flirte avec son récent sommet proche de 146,5. Le yen n’est d'ailleurs pas la seule devise à avoir tremblé. Presque toutes les devises de plus petite taille et moins liquides ou celles affichant de faibles taux réels ont retenu leur souffle hier. SI (nous utilisons le conditionnel) Powell prône (tout à l’heure) le maintien d'une lutte vigoureuse contre l'inflation, avec pour conséquence des taux (réels) toujours (plus) élevés, toute intervention visant à soutenir le yen risquerait alors de n'être qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Le gouverneur de la BoJ, Kazuo Ueda, a également fait le voyage dans le Wyoming. Une discussion informelle avec son collègue Powell à propos des intentions de la Fed est certainement prévue et pourrait lui permettre d'affiner sa vision de la politique sur le front intérieur.