Autre nouvelle, bonne nouvelle: les taux d’intérêt augmentent!
Vendredi, nous avons assisté à la publication d’une des statistiques mensuelles les plus importantes: les payrolls américains. Le rapport aura-t-il un effet quelconque sur la tendance haussière des taux? Les données se prêtent souvent à une interprétation subjective, mais nous concluons que le rapport a eu un impact limité. Le marché continue à suivre sa propre voie.
Commençons par un bref aperçu des payrolls. 428 000 emplois nets ont été créés aux États-Unis en avril, soit plus que prévu. D’autres composantes (taux de chômage de 3,6%, croissance salariale de 5,5% en glissement annuel et taux de participation de 62,2%) auraient pu afficher un résultat plus positif, mais ont été proches des attentes. Après une brève hésitation, les taux ont rapidement repris leur tendance haussière. Ces payrolls n’étaient absolument pas de nature à remettre en question la campagne anti-inflation de Powell et de ses collègues. Il est frappant de constater que la hausse s’est surtout poursuivie sur la partie longue de la courbe et via une hausse des intérêts réels. Un investisseur dans une obligation américaine à 10 ans n’est plus uniquement indemnisé pour le risque d’inflation. Pour la première fois depuis début 2020, le taux réel (le taux nominal moins les prévisions d’inflation) est à nouveau positif, à 0,30%. Début mars, ce taux réel était encore négatif à plus de 1%! Deux facteurs jouent un rôle.
Premièrement, le marché estime que l’approche de la Fed est la bonne et que l’économie est suffisamment solide pour faire face à la normalisation. Deuxièmement, début juin, la Fed ne réinvestira pas une partie des obligations de son bilan à l’échéance (“resserrement quantitatif”). Concrètement, la Fed retire ainsi des liquidités du marché et y laisse davantage d’obligations. Maintenant que la Fed disparaît en tant que grand acheteuse, les acheteurs alternatifs pourront obtenir une meilleure rémunération. Quoi qu’il en soit, en ce moment, il nous semble qu’il y a au moins autant de “forward guidance” de la part du marché, qui dicte ses choix aux banquiers centraux, que des banquiers centraux vis-à-vis du marché, comme c’était encore principalement le cas il y a peu. Chaque jour, ceux qui hésitaient à déclarer l’avènement d’une nouvelle ère des taux sont confrontés aux réalités (techniques). Tous les taux américains à plus de 5 ans sont établis au-dessus de 3,0%!
Autre point frappant, vendredi, les taux européens ont imité les taux outre-Atlantique. Le taux allemand à 10 ans a notamment franchi l’important cap technique de 1%/1,06%! Quant au taux de swap à 10 ans (à 1,96%), il se rapproche du cap de 2%. La semaine dernière, nous indiquions déjà que plusieurs gouverneurs de la BCE n’excluaient plus la réunion de juin pour un premier relèvement des taux d’intérêt, un débat qui se poursuivra certainement cette semaine. Plusieurs personnalités de la BCE, dont la présidente Lagarde, s’exprimeront. Comme à la suite des payrolls, nous partons du principe que les taux européens ont passé le point de non-retour. Soit la BCE relève le gant d’inflation et se met rapidement au travail, faisant surtout augmenter les taux à court terme; soit elle reste hésitante et le marché prendra presque certainement les choses en mains de façon encore plus énergique, via une hausse des taux à long terme et un affaiblissement de l’euro qui ne feront qu’aggraver le problème de l’inflation. Un choix qui n’en est pas vraiment un? Plutôt que de confier les rênes à un marché capricieux, la BCE pourrait vouloir garder l’initiative.