Les désaccords et la lenteur de la croissance heurtent la livre
Et de quatre pour la Banque d’Angleterre (BoE) ! Hier, la banque centrale britannique a de nouveau relevé son taux directeur, de 25 points de base à 1 %, son niveau le plus élevé depuis février 2009. Le gouverneur Bailey a donné aux fétichistes des chiffres de Threadneedle Street trois mois pour étudier la meilleure manière de passer de la réduction naturelle du bilan actuellement en cours (pas de réinvestissement des obligations du QE arrivées à échéance) à une forme de réduction accélérée via des ventes d’obligations actives.
Au niveau des actes purs et simples, la Banque d’Angleterre s’inscrit parfaitement dans la lignée de ce qu'a fait la Fed américaine mercredi soir : partir en croisade contre l’inflation. Il y a pourtant un net contraste entre les deux institutions. La détermination de la Fed à poursuivre sur cette voie dans les prochains mois dénote fortement avec les désaccords et les doutes observés au sein de la Banque d’Angleterre. Ce sont les perspectives économiques qui expliquent cette divergence. La crise du pouvoir d’achat plane en effet telle une épée de Damoclès au-dessus du Royaume-Uni.
Un tiers des membres de la BoE ont les mêmes aspirations que la Fed et ont plaidé hier en faveur d’un relèvement de taux de 50 points de base. Dans le nouveau rapport de politique monétaire, nous pouvons lire que le pic d’inflation attendu au Royaume-Uni au dernier trimestre de cette année dépasse 10 %, alors qu'il était estimé à 7 % en février. L’inflation des salaires pourrait grimper jusqu’à 5,75 %. Deux des neuf membres de la BoE ont, quant à eux, refusé d’adhérer à l'idée que le taux directeur devrait encore être relevé dans les prochains mois. La banque centrale britannique estime qu'une récession technique (deux trimestres de croissance négative consécutifs) sera évitée de justesse vers la fin de l’année. Pour 2023 et 2024, les taux de croissance s’élèveront à respectivement -0,25 % et 0,25 % sur une base annuelle. Ces prévisions pessimistes remettent donc en question la poursuite de la normalisation de la politique monétaire et, surtout, le resserrement ultérieur. Selon les estimations, le revenu disponible réel des ménages britanniques diminuera d’environ 1,5 % cette année.
Pour le marché, 1+1=2. Le camp des faucons monétaires est trop petit pour imposer un resserrement qui prendrait les mêmes proportions que celui opéré par la Fed. Le marché craint que le camp des modérés ne finisse par céder sous la pression de l'économie. Sachant qu’une partie de la normalisation a déjà été réalisée et que la réduction accélérée du bilan est en préparation. Les taux britanniques ont perdu du terrain ces derniers jours. Le marché table à présent sur un pic du taux directeur plus bas au milieu de l’année prochaine (2,5 % au lieu de 2,75 %). La livre sterling est la principale victime de cette situation. Le cours EUR/GBP est passé de 0,84 à un nouveau plafond sur l'année proche de 0,8550.
Le dilemme entre croissance et inflation auquel est confrontée la Banque d’Angleterre nous amène inévitablement à la BCE. Cette dernière a déjà perdu un temps précieux le mois dernier. Du temps qui aurait pu être utilisé à bon escient pour entamer progressivement la normalisation dans un contexte économique favorable. À Francfort, on se rend de plus en plus compte que la fenêtre d’opportunité est en train de se fermer rapidement. Ces derniers jours, les membres de la BCE ont mis les bouchées doubles pour préparer le marché à un relèvement de taux imminent et à un taux directeur positif d’ici la fin de l’année. Pendant longtemps, nous avons pensé que le coup d'envoi du resserrement des taux serait donné en juillet. Mais la BCE pourrait visiblement agir plus tôt. D'après les gouverneurs Holzmann et Villeroy, JUIN fait désormais également partie des options. Même l’euro a entendu les rumeurs ce matin...