Le domino de la RBA tombe également...
Perspectives Nous l’avons déjà mentionné à plusieurs reprises dans ces colonnes. Il est difficile pour les banquiers centraux d'offrir un récit élégant et intéressant aux yeux de la majorité des acteurs économiques. Quoi de mieux qu’une théorie ("bien étayée" ?!) qui stipule que l'éventuel problème d’inflation est surtout dû à des facteurs qui ne relèvent pas de votre sphère d’influence et que celui-ci finira par se résoudre de lui-même ? Dans ce cas-là, la solution la plus logique est d'attendre que la tempête passe et de ne heurter personne en augmentant ses taux. Jusqu’il y a peu, la Riksbank suédoise et la RBA australienne avançaient encore toute une série d’arguments pour justifier leur décision de ne pas resserrer leur politique. Mais à un moment donné, il n'est plus possible d'ignorer la réalité. C'est ainsi que la Riksbank a finalement jeté l’éponge la semaine dernière (+25 pb). La RBA cite quant à elle depuis longtemps l'accélération des hausses salariales comme une condition sine qua non pour tout durcissement de sa politique (en plus d'une inflation élevée). Mais les nouvelles statistiques relatives aux salaires ne seront publiées que dans deux semaines. Les élections législatives du 21 mai ont également longtemps servi d’excuse pour postposer tout éventuel revirement de la politique monétaire. Mais le vent a tourné. "Trop is te veel".
L’inflation en Australie a augmenté de 2,1 % en glissement trimestriel au premier trimestre et a atteint 5,1 % en glissement annuel. L’inflation de base a également dépassé la fourchette cible de la RBA de 2 %-3 % (3,7 % en glissement annuel). À titre de comparaison, l’inflation générale et l’inflation de base s’élèvent à 7,5 % et 3,5 % en glissement annuel dans l’UEM. La RBA a décidé de ne plus se cacher et est passée à l’action. Le marché s’attendait à un démarrage timide (+10 pb), mais le taux directeur a finalement été relevé de 25 pb. L’économie n’a plus besoin des mesures de soutien exceptionnelles liées au Covid. C’est pourquoi les obligations du portefeuille QE arrivant à échéance ne seront plus réinvesties. Il n'est pour le moment pas encore question de ventes effectives. Comme l’ancienne approche attentiste, la nouvelle stratégie repose naturellement sur les données. La croissance restera vigoureuse cette année (4,5 %) et retombera à 2,0 % l’année prochaine. Le taux de chômage ne s’élève déjà plus qu’à 4,0 % et pourrait encore baisser jusqu’à 3,5 %, son niveau le plus bas en 50 ans. La RBA n’a donc pas eu besoin d'attendre la sortie des statistiques officielles dans deux semaines. Une enquête auprès de "sources bien informées" a suffi pour arriver à la conclusion que la condition salariale était remplie. La RBA table sur une inflation générale et une inflation de base de respectivement 6 % et 4,0 % cette année. Et l'inflation pourrait retomber à 3,0 %... dans l’hypothèse de nouveaux relèvements des taux !
L’intervention de la RBA a surtout fait grimper les taux à court terme (+ 24 pb à 3,15 % pour le swap à 2 ans). La conclusion selon laquelle le plafond de la fourchette d’inflation de 2-3 % ne sera atteint qu’en 2024, avec des taux d’intérêt plus élevés, laisse supposer un passage à la vitesse supérieure. Dans l’intervalle, le marché table encore sur un resserrement d’environ 250 points de base d’ici la fin de cette année.Avec sept réunions encore à l'agenda, des hausses de 50 points de base deviendront donc la norme, du moins temporairement, dans ce scénario.
En raison du contraste entre une Fed "agressive" et une RBA hésitante, le dollar australien est retombé à un peu plus de 0,70. Ce matin, le cours AUD/USD est passé de 0,705 à 0,7115. Une belle progression, mais rien de spectaculaire. La Fed ne reste en effet pas les bras croisés. Même après le signal envoyé par la RBA aujourd’hui, le marché s’attend toujours à un taux directeur légèrement plus élevé aux États-Unis (3,0 %) qu’en Australie (2,85 %). Le dollar australien ne va donc pas devenir du jour au lendemain une devise à haut rendement.En outre, la Fed profitera probablement encore un peu de la prime de crédibilité qu'elle s'est constituée. L’intervention d’aujourd’hui pourrait aider à consolider le plancher de la paire AUD/USD. Mais pour une remontée claire, il faudra probablement une amélioration générale du sentiment vis-à-vis de l’économie et du risque et une plus grande fermeté de la part du président de la RBA, Philip Lowe. La crédibilité s’en va au galop et revient au petit trot. Et cela ne vaut évidemment pas uniquement pour la RBA.