En cruisecontrol
Cette semaine, les banques centrales hongroise (MNB) et tchèque (CNB) ont décidé de laisser leurs taux directeurs inchangés à respectivement 18 % et 7 %. Alors que la BCE et la Fed n’ont pas encore atteint le sommet de leur cycle, les banquiers centraux d’Europe centrale sont déjà passés à un stade ultérieur. Depuis le milieu de l’année dernière, ils préfèrent rester sur la ligne de touche. Il ne faut jamais dire jamais, mais si l’inflation ralentit dans les prochains mois, il est peu probable que ces banques centrales relèvent encore leurs taux. Cela nous amène logiquement à la question de savoir quand elles pourraient commencer à les abaisser. Dans l'état actuel des choses, ce n'est pas encore pour demain.
En Hongrie, il y a un double plancher pour un éventuel abaissement des taux. Le taux directeur « ordinaire » (13 %) a, depuis septembre de l’année dernière, été mis hors jeu par un taux d’intérêt d’urgence de 18 %. La MNB estimait qu'un taux de13 % suffisait pour maîtriser l’inflation. Mais le marché ne partageait pas cet avis. Le taux d'urgence de 18 % a donc été utilisé pour amortir la chute du forint et garantir la stabilité financière. Après les turbulences que nous venons de connaître, le moment n’est pas encore venu d'évoquer une date concrète à partir de laquelle le taux de 18 % pourrait être abaissé. Pour cela, il faudrait que le calme soit revenu. En outre, il faudrait également être sûr que l’inflation (25,4 % en février) a atteint son pic. Si elle s’attend à une forte baisse au second semestre, la MNB table toujours sur une inflation moyenne de 15-19,5 % pour cette année. Et elle a même relevé sa prévision pour 2024 (3 %-5 %). L’objectif d’inflation de 3 % ne sera « vraiment » atteint qu’en 2025. Dans un « monde idéal », la MNB pourrait se mettre à l’eau en mai ou en juin en commençant par diminuer prudemment son taux d’urgence. Dans le meilleur des cas, le taux de base ne commencerait à être abaissé qu'en fin d’année. Beaucoup d'eau pourrait évidemment encore couler sous les ponts d'ici là. Le forint (EUR/HUF 380) a, dans l’ensemble, pu limiter les dégâts lors des récentes turbulences. Même en cas d'amélioration du sentiment général, nous pensons que la devise hongroise intègre déjà pas mal de bonnes nouvelles. Signalons, entre autres, que le bras de fer avec avec l’UE sur les fonds bloqués se poursuit. Et malgré la résistance de son président (Matolcsy), la MNB doit toujours subir les pressions exercées par le gouvernement pour qu'elle ne maintienne pas ses taux élevés plus longtemps que nécessaire. Face à soutien moindre des taux par rapport à l’euro, le cours EUR/HUF 372 apparaît comme un solide niveau de résistance pour le forint.
La CNB est encore un peu plus en cruisecontrol que la MNB. Pourtant, le maintien du taux directeur à 7 % n’a pas été voté à l'unanimité. Un faucon estime que l’inflation (16,7 % en glissement annuel en février) est beaucoup trop tenace. Dans la déclaration de politique, il est également indiqué que les taux pourraient encore être relevés si nécessaire. Nous considérons toutefois cela comme un « avertissement tactique » à l’attention du marché. La CNB estime que ce dernier est trop rapide dans ses anticipations de baisses de taux avant la fin de l'année. La CNB est nettement plus crédible que la MNB dans sa lutte contre l'inflation. Elle part du principe que cette dernière se rapprochera de l’objectif de 2 % d’ici 2024. Dans ce cas, le taux directeur réel deviendra très positif. Cela constituera, en principe, un soutien pour la devise. Même si la CNB se montre prudente vis-à-vis du timing d’éventuelles baisses de taux, on peut ici aussi s'attendre à ce que la couronne bénéficie d'un soutien moindre des taux par rapport à l’euro. Nous pensons que de nombreuses bonnes nouvelles sont déjà intégrées dans le cours. Le plus bas de l’année de EUR/CZK 23,35 constitue un important niveau de résistance pour la couronne.