La couronne emportée dans le sillage du zloty

La semaine dernière, la banque centrale polonaise a abaissé son taux directeur de 75 points de base (de 6,75 % à 6 %), une intervention que personne ne pensait possible. Cela a frappé de plein fouet le zloty. Les dommages collatéraux sur les autres devises de la région ont été partagés. Ainsi, le forint hongrois résiste relativement bien. Peut-être un peu plus surprenant, la couronne tchèque est en revanche en train de dévisser. Et les chiffres de l’inflation publiés hier l'ont encore fait tomber plus bas.
La banque centrale tchèque (CNB) est l’un des élèves les plus orthodoxes de la classe (monétaire). En 2021, la banque avait été la première à se lancer dans un cycle de resserrement. Même sous la direction d'un président plus modéré (Aleš Michl), il ne faisait aucun doute que la banque centrale n’assouplirait sa politique que si l’objectif de 2 % était en vue. Elle n'a d'ailleurs cessé de faire des déclarations pour contrer les les spéculations du marché à propos d’un abaissement précoce des taux.
La couronne éprouve pourtant déjà des difficultés. À la mi-avril, la devise tchèque se trouvait à son niveau le plus élevé depuis 2008 (EUR/CZK 23,20). C'est ensuite qu'elle a commencé à se replier. Suite à l'avance prise par la CNB, d’autres banques centrales, dont la BCE, se sont lancées dans un mouvement de rattrapage, qui a progressivement fait disparaître l'avantage de taux dont bénéficiait la couronne. En août, la CNB a officiellement renoncé aux interventions sur le marché des changes comme instrument pour freiner l'inflation par le biais d'une devise forte. Le marché a vu dans cette décision pourtant symbolique (il n'y a plus eu d’interventions depuis octobre 2022) un premier pas vers un assouplissement. Suite à l'abandon de cet instrument, les prises de bénéfices se sont alors imposées comme la voie de la moindre résistance. Elle ne l’a pas dit en ces mots, mais la CNB ne voit pas d'un mauvais œil que le secteur des exportations tchèque, à la recherche d'un second souffre, reçoive ainsi un peu d'oxygène. Tant que l’affaiblissement se fait à un rythme contrôlé.
Depuis l’abaissement des taux en Pologne, ce n'est plus le cas. Le marché a mis la couronne dans le même panier que le zloty. Comme c'est souvent le cas, l'adage est « the trend is your friend » et les nouvelles qui arrivent sont interprétées à l'aune du contexte dominant. Hier, l’inflation tchèque à 0,2 % en glissement mensuel et 8,5 % en glissement annuel (août) s'est avérée légèrement inférieure aux prévisions. Dans une analyse, la CNB a cependant laissé entendre que l’inflation de base était un peu en deçà des prévisions d’août, ce qui a en partie rappelé le scénario polonais de la semaine dernière. Les taux à court terme se sont fortement repliés et la couronne a subi une nouvelle vague de ventes. Dans l’intervalle, le marché table sur un abaissement de taux de 25 points de base en novembre et en décembre, avec un cycle d’assouplissement en vitesse de croisière l’année prochaine. Nous anticipons toujours sur un démarrage en douceur en décembre.
En ce qui concerne la couronne, le principe de base reste le suivant : ne jamais attraper un couteau qui tombe. Nous ne nous attendons pas à ce que la CNB reprenne largement le chemin des interventions. Cela ne cadre avec le cycle monétaire. Des avertissements oraux sont toutefois possibles. Dans une perspective à un peu plus long terme, nous pensons que, même lorsque le cycle d’assouplissement aura atteint sa vitesse de croisière, la CNB maintiendra un taux réel positif substantiel. Dans un contexte où les taux de la BCE et de la Fed ont atteint leur pic, cela devrait créer un plancher sous la couronne. Cela ne permet évidemment pas de savoir où le mouvement actuel s’arrêtera. La zone EUR/CZK 24,70/80 était considérée comme la limite lorsque la CNB est intervenue l’année dernière. Si la couronne s’affaiblit et passe largement au-dessus de EUR/CZK 25, l’inflation risque de repartir à la hausse et la CNB devrait alors de nouveau faire parler d'elle.
EUR/CZK : la couronne tchèque sur une pente descendante.
