La MNB maintient le cap. Le forint n’est pas impressionné
De nombreuses banques centrales doivent trouver l’équilibre entre la lutte contre l’inflation et l’impact potentiel des relèvements des taux d’intérêt sur la croissance. Dans la plupart des cas, l’endiguement de l’inflation est jugé prioritaire, comme nous l’avons encore vu hier avec la décision de la banque centrale hongroise (MNB).
Le cadre monétaire de la MNB est un peu plus compliqué que celui d’autres banques centrales. Elle applique en effet un corridor de taux. Tant la limite inférieure (taux de base et overnight; 5,4% sur 4,4%) que la limite supérieure (taux d’emprunt; 8,4% sur 7,4%) ont été relevées de 100 points de base. Depuis la période de volatilité financière et la pression sur le forint l’an dernier, la MNB a cependant fait du taux d’intérêt de la facilité de dépôt hebdomadaire le taux directeur effectif. Situé dans la bande susmentionnée, il s’élève actuellement à 6,15%. La MNB peut adapter ce taux chaque semaine afin d’assurer la stabilité financière, et concrètement pour tempérer de trop fortes fluctuations/pressions sur le forint. Hier, il est resté inchangé à 6,15%, mais il sera relevé demain lors de la révision hebdomadaire.
Dans le fond, la MNB admet que malgré les relèvements de taux déjà entrepris, le taux d’inflation n’a toujours pas diminué. En mars, l’inflation générale s’élevait à 8,5% et l’inflation de base à 9,1%. Dans ce cadre, une série de mesures de restriction des prix prises par le gouvernement “modèrent” toujours la pression haussière. Cette année, l’inflation pourrait atteindre en moyenne 9,0% et la MNB ne s’attend à un retour à l’objectif de 3,0% qu’en 2024. C’est pourquoi le taux d’intérêt doit encore être relevé à plusieurs reprises. La MNB demande toutefois au gouvernement d’apporter son aide à ce niveau, en mettant de l’ordre sur le plan fiscal. À l’approche des élections du 3 avril, les autorités ont mené une politique de stimulation fiscale qui contribue à la pression inflationniste. Malgré la guerre en Ukraine, l’économie se porte relativement bien jusqu’à présent. À titre d’illustration: les hausses salariales (de février) publiées hier affichent une hausse vertigineuse de 31,7% en glissement annuel! Ce chiffre contient certes des versements uniques, mais même… La MNB veut également prendre des mesures pour réduire le déficit de la balance courante et travailler à une solution dans le litige relatif au paiement des fonds de l’UE.
Hier, un sentiment d’incertitude généralisé pesait déjà sur le forint à l’approche de la décision de politique. Par la suite non plus, la devise n’a pas su tenir bon. Plus tard dans la journée, toutes les devises d’Europe centrale (le zloty, la couronne tchèque et le forint) ont cédé du terrain suite à l’annonce de la décision de la Russie d’interrompre les livraisons de gaz en Pologne et en Bulgarie parce qu’elles n’étaient pas payées en roubles. L’évolution du conflit en Ukraine et les sanctions supplémentaires éventuelles restent bien sûr une source d’incertitude importante pour le forint et les autres devises européennes. Il nous semble néanmoins que le forint éprouve un peu plus de difficultés que le zloty ou la couronne tchèque, peut-être en partie parce que le relèvement du taux d’intérêt de la facilité de dépôt hebdomadaire reste modéré. Le premier rendez-vous est donc fixé dès demain, même si nous ne nous attendons à nouveau qu’à une augmentation de 30 points de base, à 6,45%. À terme, nous tablons sur un scénario où la MNB relève les taux d’intérêt aux alentours de 7,5%, avant de les maintenir plus longtemps à ce niveau. Le marché escompte/espère même encore un peu plus. À terme, cela pourrait aider le forint; mais à court terme, la devise hongroise reste sans doute la plus sensible à l’aversion au risque régionale/générale. Une rupture au-dessus de 380/382 EUR/HUF serait un signal d’avertissement, y compris pour la MNB.