Les données ne plaident pas encore pour une pause
Selon l’estimation rapide préliminaire d’Eurostat, le PIB réel de la zone euro a augmenté de 0,3 % au deuxième trimestre de 2023 par rapport au trimestre précédent. L'inflation devrait être retombée à 5,3 %en août. Maintenant que la politique de la BCE est devenue « dépendante des données », ces chiffres sont scrutés avec encore plus d'attention que d’habitude.
Croissance plus forte que prévu
Au cours de ces derniers mois, les rapports sur l’évolution de la confiance économique dans la zone euro nous avaient habitués à un constat peu encourageant. Dans ce contexte, l’estimation rapide du PIB peut être considérée comme une relativement bonne surprise. Nombre d'observateurs, y compris KBC Economics, s’attendaient à une croissance un peu plus faible. Il convient toutefois de préciser que l’économie irlandaise a une nouvelle fois apporté une contribution anormalement forte au chiffre global. Sans l'Irlande, le PIB de la zone euro n’aurait progressé que de 0,2 %. C'est exactement le ryhtme affiché par l’économie belge. Dans les grands pays, ce sont surtout la France (+0,5 %) et l’Espagne (+0,4 %) qui ont enregistré une croissance plus soutenue que prévu, alors que l’économie italienne a connu une forte contraction (-0,3 %). L’économie allemande a, pour sa part, fait du surplace (+0,0 %). On ne peut donc pas encore parler de reprise après deux trimestres consécutifs de croissance négative, mais les révisions des chiffres du quatrième trimestre de 2022 (-0,4 % au lieu de -0,5 %) et du premier trimestre de 2023 (-0,1 % au lieu de -0,3 %) laissent tout de même à penser que la récession s'est finalement avérée un peu moins profonde qu’initialement prévu.
Les rares chiffres détaillés sur la composition de la croissance brossent un tableau pour le moins contrasté. En Allemagne, la consommation des ménages se serait stabilisée, alors qu’elle s'est contractée en France et qu'elle s'est fortement améliorée en Espagne. Les investissements ont également fortement contribué à la croissance en Espagne, alors que les exportations nettes ont eu un impact très négatif. La croissance en Espagne offre donc un visage totalement opposé à celui observé en France. Dans l'Hexagone, la croissance a été quasi exclusivement portée par les exportations (nettes) (notamment grâce à la livraison d’un navire). De manière générale, les statistiques ne semblent pas plaider en faveur d'une rapide pause des resserrements monétaires de la BCE.
Inflation (des services) tenace
Les chiffres de l’inflation dressent le même constat. La nouvelle décélération, de 5,5 % en juin à 5,3 % en juillet, est grosso modo conforme aux prévisions, mais elle est nettement plus lente que celle enregistrée les mois précédents. En revanche, elle est toujours exclusivement due à la chute des prix de l’énergie et au ralentissement de l’inflation des prix de l'alimentation. L’inflation de base s’est stabilisée à 5,5 %, soit à peine moins que le pic de 5,7 % atteint en mars dernier et largement au-dessus de ce qui est conciliable avec l’objectif de la BCE. Le net ralentissement de l’inflation des marchandises (hors énergie – de 6,8 % en février 2023 à 5,0 % en juillet – voir le graphique) est en effet neutralisé par la hausse persistante de l’inflation des services (de 4,4 % en janvier 2023 à 5,6 % en juillet).
Dans ses prévisions de juin, la BCE tablait sur une inflation moyenne de 4,7 % et sur une inflation de base de 5,2 % au troisième trimestre de 2023. Cette prévision reste réalisable, même si les chiffres de juillet sont plus élevés. Les effets de base vont en effet quasi certainement pousser l’inflation encore à la baisse dans les prochains mois. Mais pour faire baisser durablement l’inflation de base, il faudra que la dynamique s'essouffle de façon plus marquée. Faute de données allant dans ce sens, il ne sera probablement pas encore question de « pause » en septembre.