La RBA poursuit sur sa lancée
La Reserve Bank of Australia a tenu les investisseurs en haleine ce matin. En particulier les Australiens. Mais la décision de politique a une fois de plus valeur d’avertissement pour les marchés financiers dans leur ensemble. La banque centrale a ainsi relevé son taux directeur de 25 points de base à 4,1 %. Il s’agit de la deuxième hausse consécutive depuis que Sydney a annoncé une pause à 3,6 % en avril. Les taux souverains australiens ont grimpé de plus de 7 points de base sur les courtes échéances. Le taux à deux ans (3,83 %) a touché un nouveau plafond cyclique et flirte avec le sommet atteint lors de la correction de 2012 (3,86 %). Dans une perspective encore plus large, il bénéficie d’un soutien solide d'environ 3,67 % sur la partie inférieure. Il s’agit de la reprise de 50 % sur la longue baisse enregistrée entre 2008 et 2021 récemment testée à plusieurs reprises. La rupture à la hausse a déjà eu lieu hier, mais la confirmation qui a suivi aujourd’hui constitue sans aucun doute un signal technique important. Le dollar australien profite de la décision. L’Aussie continue de renforcer ses gains par rapport à son homologue américain au-dessus de la zone de support de 0,66. La première référence technique importante se situe aux alentours de 0,68. Le cours EUR/AUD connaît une rupture sous la ligne de cou de 1,616 d’une figure tête-épaule (imparfaite) et pointe vers 1,60.
Le relèvement de taux a manifestement surpris une grande partie du marché. Cela avait déjà été le cas en mai. Examinons de plus près la déclaration de politique. C’est surtout ce que la RBA ne dit pas (plus) qui nous frappe. En mai, elle expliquait encore que « l'inflation à moyen terme reste bien ancrée et il est important qu'elle le reste » Cette phrase a été supprimée dans la déclaration de juin. À la place, nous pouvons lire ce qui suit : « les récentes données indiquent que les risques de hausse des perspectives d'inflation ont augmenté [...] »" suivi de « Si l'inflation des prix des biens ralentit, celle des prix des services reste très élevée et se montre particulièrement tenace à l'étranger. »
C’est l’essence même d’un problème d’inflation profondément enracinée, en Australie mais aussi ailleurs dans le monde. L’inflation élevée (accélération à 6,8 % en avril) et les pénuries persistantes sur le marché de l’emploi (taux de chômage proche des planchers historiques, nombre extrêmement élevé de postes vacants) poussent les salaires à la hausse, ce qui empêche un retour rapide à l’objectif de 2/3 %. La semaine dernière, l'organisation gouvernementale australienne responsable en la matière a justement décidé d'augmenter les salaires minimums de près de 6 % à partir du mois prochain. Nous ne qualifierions pas cela de spirale des salaires, mais c'est un exemple type d’effets dits de second tour qui ancrent l’inflation à des niveaux plus élevés pendant longtemps.
La RBA laisse la porte ouverte à un nouveau resserrement monétaire. Tout comme en mai, les marchés ne voient pour l’instant qu'un peu de marge pour quelques changements cosmétiques. Une hausse de l’ordre de 15 points de base en été porterait le taux directeur australien à un niveau plus habituel de 4,25 %. Sinon, les fétichistes des chiffres devront se contenter d'un taux non conventionnel de 4,35 %. Les chiffres du PIB australien prévus demain, le rapport sur le marché de l’emploi la semaine prochaine et les chiffres de l’inflation de mai publiés en fin de mois joueront un rôle crucial dans ce débat.