Le forint reste fort après la réduction du « taux d’urgence »
La politique monétaire globale est clairement entrée dans une phase brumeuse, difficile à évaluer. Certaines banques centrales poursuivent (BCE) ou devront poursuivre (BoE) leur campagne anti-inflation en raison de l’inflation toujours élevée. D’autres voient la possibilité de faire une pause pour laisser aux efforts déjà déployés le temps de faire leur effet (peut-être la Fed). D’autres encore pensent qu’ils en ont déjà fait assez et pèsent le pour et le contre d'éventuelles baisses de taux (Reserve Bank of New Zealand). La banque centrale hongroise (MNB) est déjà depuis quelque temps un cas complexe et à part. La décision de politique prise mardi en est une nouvelle preuve.
Le taux directeur officiel (taux de base) s’élève à 13 % depuis septembre. La MNB estime que cela suffira à ramener l’inflation en direction de l’objectif de 3,0 % dans son horizon de politique (2 ans). La question de savoir si cela sera effectivement le cas (l’inflation s’élevait à 24 % en avril) fait l'objet de discussion depuis longtemps. Dans un premier temps, le marché n’était clairement pas de cet avis. À l’automne de l’année dernière, le forint se trouvait sous forte pression, à cause d'une inflation beaucoup trop élevée et donc à des taux réels très négatifs. La devise hongroise a également souffert d'autres facteurs, comme l'important déficit extérieur dû à l'envolée des prix de l’énergie, le gel de fonds européens dû à des différends politiques avec l’UE et un sentiment globalement négatif vis-à-vis du risque. Pour atténuer la pression sur le forint (qui aggravait encore le problème de l’inflation), la MNB a créé un taux d’intérêt d’urgence de 18 %. Combiné à d’autres mesures visant à limiter les liquidités, celui-ci devait contribuer à rétablir la stabilité financière.
Cela a pris du temps, mais le forint a fait un joli retour, surtout cette année. D’autres problèmes de stabilité, comme le déficit extérieur, se sont également considérablement améliorés (forte baisse des prix de l’énergie), tandis que le durcissement de la politique budgétaire devrait aider à améliorer la perception de la situation financière du pays. La MNB avait déjà préparé le marché le mois dernier et elle a estimé cette semaine que le moment était venu d'abaisser le taux d’intérêt d’urgence de 1 % à 17 %. Dans un scénario idéal, cette opération pourrait être répétée chaque mois afin que l'écart entre le taux d'urgence et le taux directeur de 13,0 % soit comblé d'ici la fin du mois de septembre, même si aucune trajectoire précise n'a été définie.
Vu le niveau toujours élevé de l'inflation, un abaissement du taux directeur officiel de 13,0 % n’est pas encore à l’ordre du jour pour le moment. À cet égard, le vice-président de la MNB, Barnabas Virag, a indiqué que la banque centrale visait pour la fin de cette année un taux directeur réel positif, qu’elle compte conserver en 2024. Dans un scénario (KBC) où l’inflation se replie en novembre en direction de 10 %, cela ouvre la perspective d’une baisse limitée du taux directeur à la fin de cette année. Les récentes fluctuations de l’inflation (en Hongrie et ailleurs) montrent toutefois que les prévisions dans ce domaine comportent un haut degré d’incertitude.
Au vu de la réaction du forint, l’approche de la MNB semble jusqu'à nouvel ordre être appréciée par le marché. La devise hongroise a même gagné un peu de terrain après la décision. C’est positif en soi. Le message selon lequel la banque aspire, à terme, à un taux directeur réel positif constitue également en principe une bonne nouvelle pour la monnaie. Reste naturellement le fait que la MNB continuera d'utiliser la vigueur du forint pour diminuer (à un rythme accéléré ou non) le soutien des taux. Dans un tel scénario, nous pensons que la devise devrait plafonner. La zone 366/370 constitue une solide zone de support pour le cours EUR/HUF (résistance pour le forint). Quoi qu’il en soit, la devise hongroise restera vulnérable à tout éventuel regain de la volatilité sur les marchés, pour quelque raison que ce soit.