Deux camouflets de suite pour la BoE
Le 11 mai, il est à peu près certain que la Banque d’Angleterre relèvera le taux directeur pour la douzième fois consécutive. Il s’élèvera alors à 4,5%. Depuis février 2023, la BoE promet de poursuivre sa politique de resserrement monétaire si l’inflation s’avère plus tenace que prévu. Peu après la réunion de février en question, la pression sur les prix est passée de 10,1% en glissement annuel à 10,4% (chiffres pour février). À la réunion de mars, la banque centrale britannique a attribué ce revers aux vêtements et aux chaussures, un composant volatil qui pourrait très bien changer de direction dès le prochain tour. Fidèle à sa parole, bien qu’à contrecœur, la BoE a de nouveau relevé son taux directeur qui a ainsi atteint 4,25%.
À peine un mois plus tard, la banque centrale subit un nouveau camouflet: selon les chiffres publiés ce matin, l’inflation n’a guère refroidi au mois de mars, passant de 10,4% à 10,1%. Et les vêtements et les chaussures, vous demanderez-vous peut-être? Après une forte hausse de 2,6% en glissement mensuel en février, ils ont grimpé de 1,6% en mars. Au premier trimestre de cette année, l’inflation s’élève en moyenne à 10,2%, soit un demi-point de pourcentage de plus que les estimations de la BoE (prévisions de février). Cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer à l’espoir d’une baisse considérable à partir du deuxième trimestre, ne serait-ce que grâce à la chute des prix de l’énergie; mais le point de départ est maintenant un peu plus élevé. Plus inquiétant encore, l’inflation de base (corrigée de l’alimentation et de l’énergie) s’est stabilisée à 6,2% en glissement annuel. Et l’inflation des services (inchangée à 6,6%), un indicateur important pour la banque centrale, a du mal à quitter ses sommets inédits en 33 ans.
C’est ce que la Banque d’Angleterre craignait. Le gouverneur Bailey et ses collègues comptaient surtout sur un ralentissement accéléré de la croissance des salaires pour engager enfin le processus de désinflation. Mais là encore, les données britanniques de cette semaine servent de douloureux rappel à la réalité. Le rapport sur le marché de l’emploi s’est avéré bon, avec 169 000 emplois supplémentaires au cours des trois mois depuis février compris, un taux de chômage proche de ses planchers historiques et surtout… une forte croissance salariale. Exception faite de la période volatile qui a suivi la pandémie, les salaires britanniques ont connu une croissance moyenne parmi les plus rapides en 22 ans (6,6%), supplantée seulement par celle de décembre 2022.
Selon nous, un taux directeur de 4,5% en mai ne marque pas la fin du cycle. Le marché abonde de plus en plus dans notre sens (5%). Et tant que l’inflation de base, l’inflation des salaires et l’inflation des services ne diminueront pas, il sera prématuré d’envisager des abaissements de taux à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Bien qu’il soit encore tôt, les marchés se font peu à peu à cette idée. Un plancher s’est créé sous les taux britanniques, qui se rapprochent en outre de leurs sommets annuels. Tant le taux à 2 ans (+13 points de base aujourd’hui) que le taux à 10 ans (+10 points de base) se dirigent vers la limite des 4%. Malgré ce soutien, la livre sterling engrange des bénéfices limités par rapport à l’euro, qui profite de la couverture inconditionnelle de la BCE. À Francfort, la question n’est pas de savoir si les taux doivent encore être relevés, mais bien dans quelle mesure. Le cours EUR/GBP se maintient au-dessus de 0,88 pour l’instant.