EUR/GBP sauvé par l’inflation britannique
La livre sterling a affiché de bonnes performances ces derniers jours. Le cours EUR/GBP s’approchait de 0,90 début février, mais s’est brièvement replié vers 0,88 le 14 février. Le canal haussier qui s’est développé depuis la mi-décembre a été mis sous pression. Il était question d’une rupture à la baisse du cours EUR/GBP, avec d’inévitables gains techniques subséquents pour la livre. Nos lecteurs habitués remarqueront que cela contredit notre scénario.
La devise britannique est notamment soutenue par l’appétit persistant pour le risque des investisseurs, qui ne se limite d’ailleurs pas au marché des changes, comme nous l’observons avec étonnement sur les bourses depuis quelque temps déjà. L’Euro Stoxx 50 cote à 2% à peine du sommet cyclique atteint en novembre dernier. En outre, les dernières statistiques économiques du Royaume-Uni ont été favorables à la livre. Surtout le rapport sur le marché du travail britannique publié mardi dernier a été positif, comme aux États-Unis. 74 000 emplois se sont ajoutés au cours des trois derniers mois avant décembre, soit plus que les 43 000 prévus. La croissance salariale reste élevée et s’accélère.
Or cette croissance salariale est un facteur clé dans l’analyse de la banque centrale britannique, car elle est directement liée à l’inflation (toujours élevée) du secteur des services. Reprenons l’élément principal de la déclaration de politique de la Banque d’Angleterre pour février: Le MPC continuera à suivre de près les signes de pressions inflationnistes persistantes, y compris les conditions de pénurie sur le marché du travail, l’évolution de la croissance salariale et l’inflation des services. En cas de signes de pression persistante, il y aurait lieu d’adopter de nouvelles mesures de resserrement de la politique monétaire. Il convient d’interpréter en ce sens la réaction de la livre vers EUR/GBP 0,88 et la montée des taux britanniques (jusqu’à +20 pb) le jour de la Saint-Valentin: la condition posée par la BoE était presque remplie.
Le lendemain, ce fut la douche froide avec la publication du taux d’inflation britannique. Tant l’inflation générale que l’inflation de base se sont atténuées plus que prévu, tout en restant à des niveaux inacceptables (10,1% et 5,8%). Mais avec ce refroidissement accéléré, peut-on encore parler de ‘signes de pression persistante’? L’homme dans la rue répondra que oui: selon les chiffres publiés ce matin, le coût d’un full English breakfast vient d’augmenter de 5 £ pour atteindre un nouveau record (34,30 £). Mais bien sûr, l’affaire est plus complexe. Compte tenu du mouvement journalier d’aujourd’hui, les doutes ont fait diminuer de moitié les gains d’intérêts engrangés mardi. Le dérapage de la livre a sauvé in extremis la fourchette de fluctuation EUR/GBP. La paire a brièvement testé le niveau de résistance de 0,8897, le dernier seuil technique avant un retour en direction de 0,90.
Le marché est toujours convaincu que la BoE va bientôt relever ses taux. Nous sommes bien d’accord. Mais quel sera le terminus: 4,25% ou 4,50%? La dernière approche nous paraît la plus probable (2x25 pb), avec de nouvelles prévisions en faveur d’une fin de cycle en mai. Quoi qu’il en soit, les perspectives de taux pour la livre ne sont pas roses, surtout vis-à-vis du dollar et de l’euro (au moins +100 pb) et si l’on suppose que la BoE entamera un cycle baissier avant la BCE ou la Fed. Et vu la faiblesse des perspectives de croissance britanniques et la situation fiscale pénible au Royaume-Uni (doubles déficits structurels), la livre n’a en fait rien à faire en dessous de EUR/GBP 0,90.