Les marchés de retour sur les rails
Les débats d’ouverture pour la nouvelle année ont eu lieu. Comme à l’accoutumée, tant les obligations que les actions n’ont pas raté leur départ. Avant le début de l’année, un certain nombre de moyens sont traditionnellement réservés et ceux-ci sont ensuite rapidement orientés vers les principales classes d’actifs. Outre ces considérations liées aux liquidités, les facteurs techniques, les premiers chiffres et les tendances générales ont joué en faveur de corrections baissières à court terme sur le marché des taux et haussières sur la bourse. Sur le marché des changes, le dollar est revenu en terrain familier au-dessus de 1,06 EUR/USD après un début sur les chapeaux de roue.
Le taux à 10 ans allemand a, pour la première fois depuis 2011, clôturé la dernière séance de 2022 à plus de 2,5 %. Le repositionnement qui a suivi la réunion de la BCE a fait grimper les taux européens de plus de 50 points de base sur toute la courbe au cours de la seconde moitié du mois de décembre. Pour l’instant, la zone 2,53 %/2,56 % constitue une solide zone de résistance pour le taux allemand à 10 ans. Il s’agit d’une combinaison du sommet annuel précédent (octobre 2022) et d’une reprise de 62 % sur la baisse des taux à long terme entre 2008 et 2020. Le taux swap européen à 10 ans a franchi le cap des 3 % en fin décembre (3,2 % en fin d'année), mais le sommet d’octobre (3,4 %) est provisoirement resté hors de portée.
Les chiffres de l’inflation en Allemagne et en France ont été publiés au début de cette semaine. Ceux-ci dressent le même constat que les chiffres espagnols et belges publiés à la fin de l’année dernière : l’inflation a reculé plus que prévu en décembre. Il s'agit ici du du taux d’inflation principal global. Les marchés ont accueilli favorablement la nouvelle, dans l’espoir (vain) que les banquiers centraux puissent à nouveau sortir plus rapidement de leur croisade inflationniste. Par souci de confort, ils préfèrent ignorer le fait que l’inflation de base sous-jacente, qui fait notamment abstraction des prix de l’énergie, est toujours en hausse et affiche des niveaux records. L’inflation de base est et reste le principal indicateur suivi par la BCE. Malgré la douche froide de la seconde moitié de décembre, les investisseurs ont apparemment déjà oublié ce message cette semaine. Les chiffres européens seront publiés demain, mais les regards seront surtout tournés vers les États-Unis, avec le rapport officiel sur l’emploi du mois de décembre. Hier, les détails de l’indice ISM de confiance dans l’industrie manufacturière ont de nouveau montré une création d’emplois dans le secteur, après trois mois marqués par les licenciements (limités). Contrairement aux craintes, le nombre de postes vacants a à peine reculé. La vigueur du marché de l’emploi pourrait inciter la Fed à garder une posture restrictive plus longtemps que prévu par le marché. D’autant plus que Powell et ses collègues craignent que les pressions salariales ne maintiennent l’inflation des services à un niveau élevé pendant longtemps. C’est également le message explicite que l'on peut lire dans le procès-verbal de la réunion de décembre publié hier soir. Les marchés des taux américains sont bien plus que les marchés européens dans une trajectoire de confrontation avec la Fed. Le plus grand potentiel de fluctuations des taux (par ex. en cas de "payrolls" solides) se situe surtout de l’autre côté de l’Atlantique.
Enfin, la chute des prix de l’énergie explique évidemment aussi en partie les mouvements de taux de ces trois premiers jours de l'année. Le contrat de référence européen pour les prix du gaz a renoué avec des niveaux d'avant l’invasion russe en Ukraine. Mardi et mercredi, le cours du Brent est passé de 85 à 75 dollars le baril. La douceur des conditions climatiques et les faibles perspectives de croissance économique pèsent sur les prix des matières premières énergétiques.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC