Année 2022 en revue: le marché des taux

Les marchés

La fin de l’année approche, et cette période de fêtes s’annonce tout sauf paisible. La Fed, la Banque d’Angleterre et la BCE tiendront chacune leur dernière réunion de politique. À la table du réveillon, vous n’apprendrez rien à personne en rappelant que la politique monétaire a été un thème majeur ces derniers mois. Avant la grand-messe monétaire, revenons un instant sur l’année écoulée. Commençons par les marchés des taux.

Sur le plan de la politique monétaire, 2022 restera dans les annales comme l’une des années les plus agressives depuis des décennies. Quand les mesures de confinement ont été levées, le rebond de la demande (soutenu par les mesures d’incitation fiscales et monétaires) a rapidement été de pair avec un dérèglement majeur des chaînes de production et des goulets d’étranglement logistiques. La dynamique de l’offre s’est enrayée, entraînant une forte hausse des frais de transport et des coûts des matières premières. L’invasion russe en Ukraine a principalement touché le continent par le biais d’une explosion des prix de l’énergie. Ce terrible concours de circonstances s’est traduit par un taux d’inflation jamais vu en 30 à 40 ans.

À quelques exceptions près, l’inflation est désormais un problème global, qui s’est en outre manifesté plus ou moins en même temps dans toutes les économies. Pourtant, la réaction monétaire a été à plusieurs vitesses. Mention honorable à l’Europe centrale et à l’Amérique latine, les premières économies à avoir évalué correctement la menace. Les banques centrales locales ont enclenché le cycle des taux dès la mi-2021 (ou avant), n’hésitant pas à passer au régime supérieur (100 pb+) à mesure que l’inflation s’intensifiait et qu’il était clair que les banques centrales des économies avancées leur emboîtaient le pas. Ces dernières ont mis du temps à se décider, trop de temps, peut-on dire. Mais en cette période de l’année, paix aux économistes de bonne volonté! De plus, il faut avouer qu’après des débuts hésitants, les banques centrales ont amorcé un grand mouvement de rattrapage qui a abouti à des relèvements de taux jusqu’à 75 pb, soit trois fois la norme, et un démantèlement des programmes de rachat d’obligations et/ou des réserves obligataires (resserrement quantitatif).

La réaction n’a pas tardé, tant sur la partie courte que sur la partie longue de la courbe. En 2021, les hausses de taux limitées étaient encore exclusivement dues aux anticipations inflationnistes à long terme. Les marchés mettaient ouvertement en doute le postulat des banques centrales d’une inflation “temporaire”. Cette année, les taux réels ont anticipé un resserrement monétaire historique, prenant les devants avec zèle, les taux à dix ans atteignant allègrement plus de 200 pb sur une base annuelle provisoire. Les anticipations inflationnistes se sont stabilisées à des niveaux supérieurs aux normes historiques récentes. Les marchés ont compris que l’ère d’inflation ultra-faible (<2%) et de taux neutres associés est terminée.

Après la forte hausse initiale des taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe, la partie longue a vacillé pour la première fois au cours de l’été. Des chiffres économiques défavorables ont semé le doute sur la détermination des banques centrales et la diminution des liquidités disponibles a amplifié la dynamique. Selon les marchés, le cycle des taux prendrait fin avant même d’être bien en train. Ils étaient loin du compte: la Fed, la BCE et la BoE dans une moindre mesure ont accéléré le mouvement et l’inversion de la courbe n’a fait que s’accentuer aux États-Unis. L’Europe a suivi la même trajectoire un peu plus tard.

En un sens, depuis le mois d’octobre, le marché des taux rejoue le scénario de juin-juillet. Les lecteurs attentifs remarqueront que cette fois-ci, la correction baissière s’accompagne de, voire a entraîné un léger recul de l’inflation. Ces signes d’écrêtement (encore très prématurés en Europe) sont plus que bienvenus. Cependant, pour l’année 2023, la question n’est pas de savoir si le pire est derrière nous, mais plutôt dans quelle mesure le ralentissement se déroulera sans encombre. À cet égard, nous craignons que le marché des taux ne soit trop optimiste. Même Lagarde de la BCE pense qu’une récession ne suffira pas à atteindre l’objectif d’un retour aux 2% (voire un peu plus?!). Tout au long de 2023, le taux directeur sera probablement maintenu à un niveau restrictif. L’on peut s’attendre à des courbes inversées, mais il ne faudrait pas sous-estimer la pression haussière sur la partie longue! Les États-Unis, le Royaume-Uni et la zone euro sont confrontés à d’énormes déficits de la balance commerciale et du budget. Et à une période où les primes de risque sont en plein essor et où les banques centrales se transforment d’un deus en diabolus ex machina, le financement de ces déficits sera tout sauf évident.

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