Qui a raison ?
La semaine dernière, le président de la Fed, Jerome Powell, s'est montré très clair : La demande américaine reste beaucoup trop forte et dépasse toujours l’offre, avec pour conséquence une inflation inacceptablement élevée. Le rythme des relèvements des taux pourrait être revu à la baisse en décembre, de 75 à 50 points de base. Cela reste néanmoins un sérieux resserrement. Avec un pic du taux directeur clairement au-dessus de 5,0 % (5,5 % ?), les taux réels à court terme pourraient devenir positifs l’année prochaine aux États-Unis. En principe, il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les actifs à risque ou, par exemple, les devises de taille plus modeste, un peu plus sensibles au risque.
La réaction du marché après la conférence de presse de Powell a été violente. Les taux américains (à court terme) ont atteint de nouveaux sommets cycliques, les Bourses ont plongé après une première interprétation positive non fondée du communiqué de politique et le dollar a rebondi. Cette réaction s'est néanmoins avérée un simple réflexe pavlovien. Vendredi, un simple détail plus négatif dans un rapport sur le marché de l’emploi américain globalement solide (taux de chômage à 3,7 %) a suffi à faire oublier en grande partie le signal de Powell. Les taux d’intérêt ont cessé de grimper, le sentiment à l’égard du risque s’est redressé et le dollar s'est essoufflé. L’euro, de nombreuses devises plus modestes (livre sterling, dollar kiwi, dollar australien), mais aussi les devises d'Europe centrale montrent des signes de reprise ou contre-attaquent. Cette vigueur relative a de quoi surprendre vu que les banques centrales concernées affirment que, outre l'inflation, elles veulent aussi accorder plus de poids aux risques sur la croissance. Logiquement, on devrait donc s'attendre à un dollar fort. On a néanmoins toujours l'impression que le marché n'est pas totalement convaincu par l'attitude déterminée affichée par la Fed et estime que Powell et ses collègues devront aussi bientôt ralentir le rythme plus fortement qu'ils ne l'admettent aujourd'hui.
Il ne faut jamais dire jamais, mais l’année dernière, cette tactique n’a pas rapporté grand chose. Chaque fois que le marché a voulu croire au paradigme "une (plus) mauvaise nouvelle est une bonne nouvelle pour les marchés", dans l’espoir que la majeure partie du cycle de resserrement était derrière nous (le rallye estival, par exemple), il a été rattrapé par les faits (inflation toujours élevée). Les derniers chiffres d’inflation publiés de la plupart des pays développés dépassent déjà pour la majeure partie les prévisions.
Cela nous amène sans transition à la seule série de données qui importera vraiment cette semaine : les chiffres de l’inflation américaine de septembre qui paraîtront ce jeudi. Le consensus des analystes table sur (ou, devrait-on dire, espère) un ralentissement de 8,2 % en glissement annuel à 7,9 % pour l’inflation générale et de 6,6 % à 6,5 % pour l’inflation de base. La dynamique mensuelle devrait quant à elle rester élevée (0,6 % et 0,5 % en glissement mensuel). Une telle dynamique mensuelle (si elle se confirme) peut difficilement être interprétée comme le signe que l’inflation a repris la direction de l’objectif de 2 %. Certes, cela ressemble un peu à un "seul (la Fed) contre tous", mais cela ne veut pour autant pas dire que le combat de la Fed est voué à l'échec. D'autant plus qu'il s'agit de la banque centrale de référence qui, en outre, dispose de la plus grande marge de manœuvre sur le plan économique pour transformer ses intentions anti-inflation en actes. Si les chiffres de l’inflation américaine ne surprennent pas positivement (plus bas que prévu) jeudi, le confort relatif dont bénéficient pour le moment les actifs à risque et les devises dont les banques centrales ont décidé de mettre moins l'accent sur l’inflation, pourrait fondre comme neige au soleil. Rendez-vous jeudi à 14h30.