La CNB saisit l’inflation au collet
Cent vingt-cinq points de base! Jeudi dernier, la banque centrale chèque (CNB) a été loin en relevant le taux directeur de 1,5 à 2,75%. Le contraste avec la Bank of England (BoE), qui n’a procédé un jour plus tard qu’à un petit relèvement d’à peine 15 points de base, ne saurait être plus flagrant.
La comparaison a certes ses limites, mais les deux institutions sont confrontées au même problème: une inflation (nettement) supérieure à l’objectif visé. Alors que la BoE n’en est encore qu’à redouter que l’inflation temporaire ne se transforme en inflation permanente (par le biais de la spirale salaires-prix), la CNB lutte déjà activement contre ce phénomène. Elle a ainsi décidé de passer à la vitesse supérieure en mettant en œuvre le relèvement des taux le plus agressif depuis 1997. La CNB aspire à une hausse moyenne des prix de 2% avec un écart supérieur ou inférieur de maximum 1 ppt. Or en septembre, l’inflation élevée persistante a encore repris plus vite que prévu, de 4,1% à 4,9% en glissement annuel. Les frais de logement en particulier poussent à la hausse l’inflation (de base). Grâce à une demande très forte de la part des consommateurs, les entrepreneurs tchèques répercutent facilement la hausse des coûts de production (énergie, matières premières…) sur un large éventail de produits. La confiance des Tchèques s’illustre sur le marché du travail; l’armée des chômeurs se réduit considérablement et le nombre de postes vacants atteint des sommets. Après un deuxième trimestre décevant, la croissance salariale sous-jacente a repris pendant l’été. Et cet argent circule.
La CNB s’attend à une nouvelle accélération des prix jusqu’à pas moins de 7% d’ici la fin du premier trimestre de 2022 et entrevoit clairement des risques haussiers. Selon les prévisions de novembre, le cycle de resserrement devrait atteindre 3,25% au T1 2022. Dans son précédent rapport de politique monétaire, la CNB tablait sur un pic du taux directeur à 2% en 2023. Cette approche agressive vise à ramener l’inflation à un niveau acceptable au début de l’année 2023 (2,3% en glissement annuel au T1 2023). La CNB ne s’inquiète pas beaucoup de l’impact sur la croissance économique, non plus que des éventuels effets de débordement de l’industrie automobile en berne ou des dégâts qui découleraient de nouvelles mesures sanitaires. Pour 2022 et 2023, la CNB projette une croissance de près de 4%. À la fin de l’année prochaine, le PIB tchèque retrouvera dès lors son niveau pré-Covid.
Le stoïcisme des marchés des changes reste étonnant, surtout suite à l’intervention sur les taux. Le taux tchèque à 2 ans a enregistré une hausse de 32 points de base; la couronne tchèque a signé une belle progression sur deux jours, de 25,55 à 25,24 EUR/CZK. Mais pour un relèvement surprise de cette ampleur, l’important niveau de support de 25,2/25,3 aurait pu tomber avec plus de panache… D’autant plus que la CNB compte sur un renforcement substantiel de la couronne pour contribuer à endiguer l’inflation. Elle s’attend à ce que le cours EUR/CZK approche de 24 fin 2022. Notons toutefois que l’année dernière, la CNB s’est montrée trop optimiste vis-à-vis de la devise; en outre, quelques obstacles techniques subsistent qui pourraient l’empêcher de retrouver son niveau le plus élevé depuis 2011. Le premier palier important se situe à 24,77 (plancher EUR/CZK en 2020).