Le procès-verbal de mars donne un aperçu du mois d’avril
Le procès-verbal de la réunion de mars de la BCE publié hier a enclenché le compte à rebours en vue de la réunion d’avril. Les débats à l'intérieur de l'institution basée à Francfort sont les mêmes que dans les autres banques centrales. Les divergences d'opinion sont importantes et donnent lieu à des compromis. Les points de vue des faucons monétaires - qui craignent l’inflation - façonnent les attentes pour jeudi prochain.
En mars, Lagarde et ses collègues ont décidé d’accélérer la réduction des achats nets d’actifs : 40 milliards d'euros en avril, 30 milliards en mai et 20 milliards en juin, au lieu de respectivement 120, 90 et 60 milliards aux 2e,3e et 4e trimestres. Suivant la ligne officielle, les achats nets pourraient prendre fin au 3e trimestre, suivis un peu plus tard par un premier relèvement de taux. Dans le procès-verbal, il est indiqué qu’une minorité souhaitait un langage encore plus clair et plaidaient pour fixer explicitement la date de fin durant l'été (fin juin). Histoire d'avoir les mains libres pour relever un peu plus rapidement le taux directeur (au plus tôt en juillet). La Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale ont pour leur part lancé leur cycle de resserrement le mois même où elles ont mis fin à leurs achats nets. Connaissant l’évolution rapide des fonctions de réaction des banquiers centraux, il ne faut jamais dire jamais. Pour rappel : harder, better, faster, stronger.
Le marché des taux s’attend à ce que l’avis de la minorité s'impose en avril. Les prévisions d’inflation plus élevées de cette réunion (5,1 %-2,1 %-1,9 % pour 2022-2024) sont déjà dépassées suite à la flambée inattendue des prix en mars (inflation générale : 7,5% en glissement annuel). En outre, la hausse des prévisions d’inflation met la BCE dans une situation délicate. Sa mesure favorite a entre-temps grimpé à 2,3 % et se situe donc, pour la première fois depuis 2014, au-dessus de l’objectif d’inflation de 2 %. Ces derniers mois, Lagarde a souvent utilisé l'argument des anticipations d'inflation "ancrées" (<=2 %) pour ne pas aller trop vite avec la normalisation de la politique.
Si la BCE veut sauver ce qui lui reste de crédibilité, elle n'aura d'autres choix que de confirmer ses intentions en matière de normalisation la semaine prochaine. Sinon, l’euro risque d'en payer les pots cassés. À EUR/USD 1,0860, il n'a déjà plus beaucoup de crédit.
Hier, les taux swaps européens ont clôturé la séance sur une hausse de 3,5 points de base. Les gains ont augmenté en cours de séance juste après la publication du procès-verbal, mais ont ensuite ralenti à mesure que le prix du pétrole se repliait pour finalement passer un moment en dessous des 100 dollars le baril. Ce mouvement reprend aujourd'hui. Le taux swap européen à 2 ans a atteint un nouveau sommet de reprise, juste en dessous de 0,7 %. Le plafond de 0,78 % de 2013 constitue le prochain niveau de résistance technique. Nous partons du principe qu’il pourrait être rapidement rompu. Le taux swap à 10 ans teste actuellement le sommet de 1,37 % de 2015. Nous nous attendons également à une nouvelle hausse des taux sur les échéances plus longues.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC