Les payrolls n’entament pas la résolution de la Fed
Vendredi après-midi, le rapport américain sur le marché du travail du mois de mars a monopolisé l’attention. Comme prévu, plus de 400 000 emplois ont été créés. Cette création d’emplois se poursuit surtout dans le secteur des services. En outre, le taux de chômage a baissé de 3,8% à 3,6%. Abstraction faite de la période fin 2019-début 2020 (3,5%), il s’agit du niveau le plus faible depuis la fin des années 60. Le taux de participation reste toutefois encore un point de pourcentage inférieur aux niveaux pré-Covid (62,4%), ce qui fausse quelque peu les statistiques – il y a environ 1,6 million d’Américains en moins au travail qu’en février 2020. Les salaires américains ont augmenté de 5,6% en base annuelle. Le rapport sur l’emploi confirme le scénario d’un marché du travail américain en pénurie, et n’entame en rien la résolution de la banque centrale américaine (Fed) à accélérer son cycle de resserrement. De plus en plus de gouverneurs de la Fed s’identifient aux attentes du marché, qui projette des relèvements des taux d’intérêt successifs de 50 points de base. Une légère hausse des taux ne fera pas chavirer l’économie cette année-ci. Sur le marché des taux américain, la partie courte de la courbe a pris 12 points de base supplémentaires. Pour la première fois depuis début 2019, le taux américain à 2 ans est sur le point de franchir la barre des 2,5%. Le sommet de 2018 est de 2,97%.
En Europe, les prévisions d’inflation de la Banque centrale européenne se sont à nouveau détériorées après la publication des derniers chiffres mensuels. Vendredi, l’inflation principale a atteint un nouveau sommet de 7,5% en glissement annuel en mars, tandis que l’inflation de base sous-jacente cote pour la première fois à 3% en glissement annuel. Contrairement au marché américain après les payrolls, le marché des taux européen n’a guère réagi. Le taux d’inflation national avait déjà donné le ton la semaine dernière. Aujourd’hui, les taux européens corrigent même fortement à la baisse… Après les scènes d’horreur de ce week-end, l’UE accuse officiellement la Russie de crimes de guerre dans les villes ukrainiennes. De nouvelles sanctions (économiques) s’imposent, énième bombe à retardement potentielle dans le cadre d’une invasion russe dont on ne voit pas encore le bout. Actuellement, l’aversion au risque, la légère hausse des prix du pétrole et les doutes persistants quant à la détermination de la BCE à agir contre l’inflation dans ce contexte prennent le dessus en Europe: la monnaie unique est à nouveau poussée sur la défensive, avec un cours EUR/USD qui perd plus de terrain dans la zone basse de 1,10.
La guerre en Ukraine continuera probablement à influencer le marché pour le reste de la semaine. Il n’y a d’ailleurs pas grand-chose à l’agenda économique, à l’exception des procès-verbaux des réunions de politique précédentes de la BCE et de la Fed. Ceux-ci permettent de mieux saisir la division entre les “colombes” de la politique monétaire (partisans d’ajustements prudents pour préserver la croissance) et les “faucons” (partisans d’une lutte active contre l’inflation). Bien que les derniers développements économiques aient déjà pris le pas sur les débats, le point de vue des faucons pourrait constituer une indication des étapes à venir dans le cycle de normalisation. Aux États-Unis, l’attention se porte principalement sur le plan de réduction du bilan que la Fed présentera et commencera à mettre en œuvre en mai.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC